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Littératureet Fantastique & Science-fiction  

Déraison et sentiments - La Première loi - Tome 2
de Joe Abercrombie
Pygmalion - Fantasy 2010 /  19.90 €- 130.35  ffr. / 600 pages
ISBN : 978-2-7564-0296-3
FORMAT : 15,2cm x 23,9cm

Traduction de Brigitte Mariot

De mal en pis

L’histoire est banale, presque un classique de la fantasy : un royaume menacé, des ennemis puissants et nombreux, de la magie ancienne et redoutable… Mais une petite troupe d’aventuriers, un rien hétéroclite, s’en va quérir, loin, très loin, un moyen de sauver le monde et d’éviter une apocalypse.

Rien de neuf depuis que le soleil éclaire la terre du milieu ? Et bien si ! Le second tome de la très sympathique trilogie «La Première loi» de Joe Abercrombie tient, ô combien, toutes les promesses du premier. On se souvient que dans ce tome d’exposition l’auteur décrivait un royaume, l’Union, menacé au Nord par une invasion barbare menée par le roi Bethod, et au Sud par un empire belliqueux, le Gorkhul, et une magie ancienne et sinistre, celle du prophète Khalul. Pour lutter contre ce double péril, un mage ancien et décati, Bayaz, réunissait une équipe étrange (un barbare lassé de la barbarie, une ancienne esclave un brin paranoïaque et asociale, un officier de pacotille doué pour les cartes et les dés, et un navigateur hâbleur)… La petite troupe avait déjà cela d’original qu’elle figurait plutôt une bande de bras cassés qu’une bande d’experts. Et l'on se demandait bien ce que Joe Abercrombie allait pouvoir faire avec une telle équipe. Démonstration.

Déraison et sentiments tient donc largement les promesses de Premier sang : roman choral, l’ouvrage suit, pas à pas, les différents personnages dans leurs odyssées respectives. Le sinistre et cynique inquisiteur Glotka, en charge de la défense de la cité de Dagoska, s’humanise vaguement, en dépit de l’ampleur de la tâche. Au nord, le très carriériste colonel West, confronté à un désastre sans précédent, va lui, au contraire, apprendre à dénouer les chaînes de la civilisation. Enfin, au cœur du maelström, la compagnie menée par Bayaz fait le plus dur des apprentissages, celui du groupe et de la confiance en l’autre.

Ce second tome est le tome des apprentissages, des introspections, des évolutions… et des catastrophes, car Joe Abercrombie sait joyeusement amener ses héros au bord de l’apocalypse, dans un rythme tendu. Les chapitres s’enchaînent, explorant les situations et les difficultés des uns et des autres, et le lecteur est entraîné du Nord au Sud, en passant par un vieil empire aux terres arides et maudites… Une promenade dans un monde qui se meurt, guetté par des loups… à moins que ce ne soit l’orée d’une régénération ? Du style, du rythme, des péripéties constantes, où les combats et trahisons alternent avec les coups de théâtre. Mais c’est surtout la psychologie, finement travaillée, de chaque personnage – dont on rappelle encore ici qu’aucun n’est vraiment sympathique - qui capte l’attention, et démontre les talents de l’auteur. Rien d’artificiel en effet dans les différents héros, si ce n’est des caractères très trempés, que le destin force, brutalement, à changer.

Un second tome aussi réussi que le premier, plus intense aussi – on navigue cette fois au cœur de l’intrigue – et qui plaira forcément aux amateurs de fantasy épique, nostalgiques du Trône de fer et autre Compagnie noire.

Un seul regret : pourquoi la trilogie n’est elle pas complètement disponible pour l’été ? Il va encore falloir attendre un peu avant la conclusion.

Gilles Ferragu
( Mis en ligne le 09/07/2010 )
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