L'actualité du livre
Littératureet Fantastique & Science-fiction  

Les yeux dans les yeux
de Jean-Paul Husson
Atout - Pique rouge 2003 /  15 €- 98.25  ffr. / 242 pages
ISBN : 2-912742-33-1

Qui a peur du noir ?

Piètre consolation: Mattieu n’a plus peur du noir depuis qu’il est devenu aveugle lors de l’accident qui a coûté la vie à sa mère. L’été de ses dix ans, il reçoit une greffe de cornée inespérée et retrouve ainsi l’espoir de voir à nouveau un jour. Avec sa sœur, son père et Alice, jeune femme rencontrée à l’hôpital, elle aussi endeuillée par la perte de son mari et de sa fille, il part alors en vacances au bord d’un lac. Cette famille recomposée par le deuil tente de retrouver le bonheur. Mais une présence maléfique, que seul Mattieu semble percevoir, vient perturber ce nouvel équilibre. Le cauchemar peut alors commencer…

Jean-Paul Husson est cinéaste. Ce premier roman est la retranscription littéraire d’un scénario original plusieurs fois primé. L’auteur y réussit le pari de faire vivre son histoire à travers les perceptions d’un aveugle, rendant accrocheur le thème pourtant ecculé de l'aveugle voyant (voir (!)The Eye, film de Danny Pang sorti en 2002). Comme Mattieu, le lecteur, sur le qui-vive, prête toute son attention aux bruits extérieurs, aux odeurs, seuls repères de l’enfant. Un sentiment d’angoisse s’empare alors de lui. Cette perte de repères est déstabilisante car il demeure impossible de savoir qui est cet «Invisible» dont parle Jean-Paul Husson, invisible qui agresse Mattieu et veut l’empêcher de retrouver la vue. Très rapidement, l’auteur nous amène à nous poser de nombreuses questions sur cet hostile présence : cet «Invisible» existe-il vraiment ? S’agit-il du fantasme d’un enfant angoissé à l’idée que la greffe puisse échouer ? Ou bien est-ce une présence surnaturelle ? Mais qui pourrait en vouloir à cet enfant et pourquoi ?

Un autre point fort du livre réside dans son rythme : l’auteur ne perd jamais son lecteur dans des digressions inutiles. Les Yeux dans les yeux est un roman efficace, digne des meilleurs thrillers américains. L’auteur tient le lecteur, pris lui aussi dans cette cécité, en haleine, tout en ne sacrifiant pas la psychologie de ses personnages au profit de rebondissements spectaculaires. Les protagonistes sont confrontés au deuil et à l’acceptation de la disparition des êtres chers. De ces sentiments découle la tension dramatique de nombreux passages, qui donne au roman toute son intensité.

Lorsque Jeau-Paul Husson choisit le point de vue - particulier ! - de l’enfant, il nous fait voir l'invisible, invisible palpable en littérature mais plus problématique sur grand écran. Comment ferait un cinéaste pour retranscrire cette sensation d’isolement ressentie par le lecteur ? N’y aurait-il pas une perte d’intensité lors du passage sur pellicule ? C’est un défi à relever, que l’on souhaite à J.-P. Husson.

Stéfan Philippot
( Mis en ligne le 10/12/2003 )
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