L'actualité du livre
Littératureet Fantastique & Science-fiction  

Immortalis
de Elias Jabre
Champs Elysées - Le masque 2004 /  14 €- 91.7  ffr. / 244 pages
ISBN : 2-7024-3241-7
FORMAT : 13x21 cm

L’immortalité attendra

On vit dans un monde de fous… mais comparée à celui mis en scène par Elias Jabre dans son roman Immortalis, notre époque constitue une douce invitation à la rêverie. 2041 : la génétique domine la société et les gouvernements. Depuis quelques dizaines d’années, un savant français, Stanislas de Coligny, a mis au point une forme de thérapie génétique qui, par la volonté politique, s’est muée en un véritable programme eugénique. L’humanité se divise peu à peu en deux espèces, les normaux et les eugéniques. Ces derniers, plus forts, plus beaux, plus intelligents, sont en passe de supplanter l’homo sapiens tout comme ce dernier a mis une raclée au singe voilà quelques millénaires. L’affaire ne va pas toutefois sans heurts ; «normaux» et «eugéniques» s’affrontent virtuellement, la défiance des uns s’alimentant du mépris des autres. Le mutant, en science fiction comme dans les comics (on pense aux X-men, bien sûr), fait toujours peur, et si en plus, il est mal élevé…

En outre, et pour compliquer davantage cette délicate transition, le beau-frère de Stanislas, Léonard, est quant à lui parvenu à inhiber les agents responsables du vieillissement, inventant de la sorte une cure de jouvence qui s’apparente à l’immortalité. Dans ce meilleur des mondes à venir, l’Etat s’est toutefois arrogé, via la génétique appliquée, un pouvoir quasi-totalitaire dans lequel les savants n’ont pas même la libre disposition de leurs recherches. Et Léonard, opposant de toujours de la politique eugénique, se retrouve bientôt inquiété du fait de ses propres résultats. Envoyé dans le Zoo (une sorte de prison urbaine comparable au Manhattan de New York 1999, de John Carpenter, mais réservée aux «banlieuzards»), il semble au cœur d’une intrigue ourdie par son beau-frère, au service du ministre Lorentz, pour lui arracher son secret. Du reste, l’intrigue se complique encore en mêlant des agents gouvernementaux «normaux» et eugéniques, plus ou moins conscients d’être manipulés, et plus ou moins en accord avec les intérêts qu’ils servent. Le conflit entre Théo – normalement doué – et Borja – eugénique originel et doté de tous les talents – préfigure l’affrontement inévitable entre les deux communautés, à moins que le bon sens ne s’impose à tous, et qu’une vérité ancienne se fasse jour ? Il faudra pour cela un enchaînement parfois obscur d’événements et de décisions, pour aboutir à un final bien original.

Elias Jabre, jeune auteur, a les qualités et les défauts de la jeunesse : si sont récit ne manque pas de punch et d’efficacité (mais trop de rebondissements tue le suspense !), il pèche par contre par le manque de descriptions et d’explications. Et quand descriptions il y a, cela relève plus de SAS et des aventures du prince Malko (sexe et violence au service d’une sociologie simpliste) que de l’anticipation. Le monde dans lequel le lecteur est entraîné semble donc attirant, mais demeure confus, faute d’une bonne mise en place préalable. Bref, il y a là plein de bonnes idées pour un texte qui ferait certainement un bon scénario (ce n’est pas un hasard s’il a été distingué par un prix au festival de Gérardmer), mais il s’agit d’un univers qui reste à exploiter.

Gilles Ferragu
( Mis en ligne le 12/04/2004 )
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