L'actualité du livre
Littératureet Policier & suspense  

L'Assassin modéré - suivi de L'Homme au renard
de Gilbert-Keith Chesterton
Le Promeneur - Le Cabinet des lettres 2008 /  15.90 €- 104.15  ffr. / 132 pages
ISBN : 978-2-07-012277-6
FORMAT : 12,5cm x 16,5cm

Traduction de Lionel Leforestier.

Histoires de fusil

Rien n’est dit sur la date de publication de ces deux récits policiers orchestrés par l'un des maîtres du genre, G.K. Chesterton (1874-1936), le fameux écrivain anglais du début XXe siècle, qui modifia quelque peu le genre policier en créant un personnage tout à fait charismatique et savoureux, le redoutable Père Brown, revenant dans une cinquantaine de nouvelles de 1911 à 1927.

Le père Brown aurait pu figurer dans ces deux textes typiques du style de Chesterton. Dans un cadre souvent bucolique mais emprunt d'une certaine étrangeté qui va entraîner le drame, du moins l’élément fatal à un bouleversement, conduisant à l’inexorable enquête suivie elle-même d’une déduction hors paire, Chesterton installe ses personnages et son contexte toujours précis ! Un gouverneur est blessé à la jambe lors de sa ballade quotidienne alors qu’il est l’objet d’un certain nombre de critiques de la part de son entourage. On accuse les suspects principaux avant que l’assassin modéré, comme il se définit lui-même, avoue son non-crime et les causes qui l’ont poussé à celui-ci. Un pasteur puritain est assassiné froidement avant qu’on ne se rende compte qu’il aurait tué à son tour si la mort ne l’avait pas fauché brutalement !

Chez Chesterton, un axe narratif est privilégié : conduire le lecteur sur de fausses pistes (pourtant si alléchantes) afin de lui révéler la trompeuse vérité sur les personnages et leurs actions. Ici, ce sont les victimes qui sont coupables, et les meurtriers innocents ! C’est, en gros, la curiosité de ces deux textes qui vont dans le sens chestertonien du genre policier psychologique. Ces histoires fantasques ne seraient sans doute pas grand-chose sans la plume de son auteur, grand connaisseur de l’âme humaine et de ses troubles profonds. Son écriture, toujours aisée, embrasse le décor de manière picturale, ce qui a pour effet de rendre le tout très vivant et très visuel. L’action et les dialogues se succèdent dans un rythme très étudié afin de plonger le lecteur au cœur de l’enquête et du trouble permanent qui la compose. Non sans humour, Chesterton joue avec les clichés en brossant une galerie de personnages typiques de ces histoires lugubres avec ambassadeur puissant, précepteur subtil, jeune fille troublée et pasteur austère !

Ancien journaliste, l’écrivain en profite pour situer l’action dans un contexte politique précis, ceci pour élaborer certaines de ses convictions libérales contestées à l’époque. L’Assassin modéré illustre dans son seul titre, à la fois la veine littéraire de l’auteur et son appartenance sociale et politique. L’assassin modéré fait aussi référence au statut de l’écrivain qui égratigne son époque sans tuer quiconque. Deux œuvres de jeunesse (à notre sens) qui doivent conduire le lecteur aux enquêtes du père Brown. A creuser.

Jean-Laurent Glémin
( Mis en ligne le 13/02/2009 )
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