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Littératureet Policier & suspense  

Les Dernières Enquêtes du juge Ti
de Robert Van Gulik
La Découverte - Pulp fictions 2005 /  25 €- 163.75  ffr. / 850 pages
ISBN : 2-7071-4604-8
FORMAT : 13x20 cm

Fin de partie en Chine ancienne

Même les meilleures choses ont une fin : en l’occurrence, le juge Ti, après avoir écumé l’empire des T’ang (une dynastie qui règne du VIe au IXe siècle !), a fini par résoudre sa dernière énigme. Robert van Gulik s’en est allé, et avec lui, l’un des «grands détectives» des éditions 10/18 parmi les plus connus, le juge Ti, dont la carrière jalonnée de succès lui permet d’atteindre la capitale (comme gouverneur extraordinaire dans Le Motif du saule) et donc le cœur de l’empire. L’œuvre est à résumer, car plus qu’un simple héros pour roman policier exotique, Ti est un personnage légendaire que van Gulik, en «archéologue littéraire», a exhumé du passé chinois, pour lui donner une vie, une famille, des amis et une carrière impressionnante. Cette résurrection se fait au sens propre du terme, presque physiquement : van Gulik pastiche le style littéraire de la chine ancienne, et écrit des histoires telles qu’on les lisaient alors. Tout y est, depuis les codes stylistiques et scénaristiques, jusqu’aux conventions sociales de l’époque. Il en résulte, pour l’amateur contemporain, une véritable expérience historique à rebours, avec des récits au charme à la fois exotique, puissant et original.

Ce nouveau volume reprend les dernières enquêtes : Le Fantôme du temple, L’Enigme du clou chinois, Le Motif du saule, Meurtre à Canton ainsi que quelques nouvelles (Les Cercueils de l’empereur, Meurtre au nouvel an, La Nuit du tigre). Une fois de plus, le contexte change (depuis les villes frontières, éloignées du regard de l’empereur et menacées par les barbares ou les potentats locaux, jusqu’à la capitale de l’empire T’ang, ravagée par une épidémie), les fonctions sont plus importantes, mais le crime demeure. Les intrigues sont imbriquées, les meurtres variés, les complots tortueux et les criminels vicieux mais le juge, entouré de sbires et d’anciens malfrats – chevaliers des vertes forêts – repentis, s’appuyant sur une administration bien huilée (qui faisait au XVIIIe siècle l’admiration des philosophes des Lumières), sait dénouer toujours habilement l’écheveau des faux témoignages et des alibis douteux. Le contraste entre sa souplesse intellectuelle et sa rigidité morale (Ti est un adepte de Confucius et de sa morale austère) est un autre des charmes de la série. Et le lecteur intrigué de découvrir les procédures judiciaires d’alors, la mise en scène du tribunal (le yamen, point central des cités T’ang), la splendeur de l’apparat judiciaire bruissant de la soie des robes ou encore la complexité des relations entre métiers, au sein des familles. De même, la présence du surnaturel (devins, fantômes…) se mêlant à la réalité de manière banale tranche avec nos propres conventions en ce domaine.

Le bilan de la collection est nettement positif. Les fans du juge Ti ont enfin une intégrale digne de ce nom : quatre volumes, sur papier bible, à un prix modique, respectant la chronologie de la série, avec une présentation impeccable (agrémentée des fameux dessins de l’auteur). Une économie de place, mais pas de temps, tant cette réédition invite à la relecture autant qu’à la lecture. Si les vacances s’annoncent longues, on ne peut que suggérer un tour en Chine médiévale, à traquer le crime.

Gilles Ferragu
( Mis en ligne le 25/05/2005 )
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