L'actualité du livre
Littératureet Policier & suspense  

Loin des humains
de Pascal Dessaint
Rivages - Thriller 2005 /  16 €- 104.8  ffr. / 230 pages
ISBN : 2743613394
FORMAT : 16 x 24 cm

Noeud de serpents

Le nouveau roman policier français se porte bien ! Pascal Dessaint – entre autres – en assure la relève avec brio. Son dernier livre, Loin des humains, la suite de Mourir n’est peut-être pas la pire des choses, remet en scène son flic, Félix Dutrey. L’écriture est incisive, réaliste, l’atmosphère, particulièrement tourmentée et l’intrigue, d’une noirceur acérée. Le style, plutôt cru, donne une tournure assez désespérée aux scènes d’horreur comme aux scènes sexuelles. Dans ce roman polyphonique, la parole est tantôt donnée à Jacques sur la forme épistolaire par le biais de son carnet de voyage, tantôt à Rémi, protagoniste parallèle qui mène l’enquête à sa manière du point de vue d’un narrateur omniscient, ou encore à Félix, Magali ou Marc, les trois flics, sur le mode du « je ».

Natif du nord de la France, Pascal Dessaint est installé à Toulouse depuis plusieurs années et comme le premier volet, l’histoire prend pour cadre la Ville Rose. Et comme à son habitude, l’auteur soigne les détails dans la présentation des lieux comme du reste. Le personnage principal, Jacques Lafleur, est un vagabond par vocation, comme il n’y en a plus guère. Sac au dos, il semble sans attaches jusqu’au jour où il est retrouvé égorgé au milieu des ronces du jardin de sa sœur Jeanne. On plonge alors au cœur d’une histoire familiale opaque et sibylline. C’est Félix qui mènera l’enquête en compagnie de ses deux acolytes.

Au-delà de l’intrigue, on découvre l’intimité d’une ville et de ses habitants, durablement traumatisés par l’explosion de l’usine AZF. Car c’est une autre facette du livre : l’engagement politique, principalement écologique :
« - Les catastrophes ! Doudou à la mairie, et puis les attentats de New York, et là-dessus l’usine qui nous pète à la gueule et l’extrême droite au deuxième tour des présidentielles !
- Presque un an de traumatismes, admis-je.
 »
Les descriptions des balades de Jacques à travers la campagne, de sa passion pour les oiseaux ou de celle de son frère Pierre pour les serpents – l’animal aura par ailleurs une portée très symbolique ! - sont travaillées et précises. On voit pousser les fleurs à travers le béton :
« - Qu’est-ce que c’est ?
- Une couleuvre verte-et-jaune. Il y en a tout le long du chemin de fer. Ça vous étonne, hein ? Des serpents aussi gros au beau milieu de la ville ! Personne, en principe, n’est autorisé à circuler sur les voies. L’endroit est idéal pour prendre des bains de soleil. […]
- Il se trouve que la nature sauvage aura de moins en moins d’endroits où s’épanouir, mais qu’elle tentera quand même de résister, comme ici.
 »

Quant aux allusions aux récentes catastrophes écologiques, elles sont légion : l’un est un rescapé de l’explosion de l’usine, l’autre a perdu sa sœur lors des orages et des inondations qui sévirent ces dernières années : Pascal Dessaint n’hésite pas à nous faire passer quelques messages et c’est tant mieux ! Polar très actuel, engagé – ce qui n’est pas si courant -, Loin des humains tient son suspense et se lit d’une traite. De la qualité.

Fanny Lescarcelle
( Mis en ligne le 31/05/2005 )
Droits de reproduction et de diffusion réservés © Parutions 2024
www.parutions.com

(fermer cette fenêtre)