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Littératureet   

Suburban Blues
de Yémy
Robert Laffont 2005 /  20 €- 131  ffr. / 390 pages
ISBN : 2-221-10424-2
FORMAT : 13,5 x 21,5cm

Etrange Odyssée

Suburban blues est un pavé littéraire dans une mare boueuse, une masse dont la chute fait à l’arrivée un bruit retentissant... Le cri sur 400 pages d’un enfant mal aimé de terre France.

Le narrateur, poète des banlieues, pedigree camerounais/français, chanteur ivre de musique… et d’autres substances, traîne son malaise dans les rues de la ville, entre la Lieubannie d’origine et l’Onirium qui fonde sa quête, entre Farrica et France, asiatique mangé comme un morceau de viande crue. Passent La Reine des Corbeaux Dingues (LRDCD), sept vierges peu farouches, toute une galerie fantasque pour une étrange odyssée urbaine…

Chacun cherche son Nirvana… Et faute d’Onirium, c’est le Delirium qui préside à l’écriture énervée, en rage, de ces chapitres hallucinés. Flous, pesants, féroces, les mots sont mitraillés selon une maîtrise experte et joueuse de la langue. Poète, Yémy l’est assurément : il en a la rage, la verve, et le don littéraire… Parfois en abuse-t-il ; souvent, le récit est redondant, comme un hoquet d’après cuite… Roman gueule de bois contre une France malade. Le trait est noirci jusqu’à percer la page, la lecture en devient pénible mais la noirceur est d’époque, assurément…

Dans la France qui tombe, chute, s’assoupit, France grabataire et anesthésiée, Suburban blues a sa place même si tout n’est pas parfait. Les Beaux draps de Céline, mais comme un gant retourné, pour la violence du verbe, une violence quasi tueuse ; du Beigbeder pour les jeux de mots qui finalement fatiguent et l’arrogance juvénile, un brin frimeuse et satisfaite… Et la banlieue comme scène, sans réelle esquive possible, même quand on est poète et enragé… «Ni passé trépassé, ni présent méprisant, ni future en usure. Et à longueur de journée, des beu’s dans les yeux, l’esprit planant au-dessus des yeuses imaginaires de la Lieubannie. Vain, aigre et nègre, comme disent les gens. Quelle infection, les gens ! Et dans l’âme, la claustration, ce feu liquide dans lequel la mer divague, et éclabousse de sang les tags. Tu me suis, Mân ?» (p.13)

Non, pas toujours ! Mais le flou est ici délibéré et l’on sait que l’on a face à soi une réelle œuvre d’écrivain, qui se respecte et s’apprécie, passé l’agacement…

Bruno Portesi
( Mis en ligne le 19/10/2005 )
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