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Littératureet   

Le Dernier Amour de Monsieur M.
de Frédéric Ferney
Robert Laffont 2005 /  19 €- 124.45  ffr. / 216 pages
ISBN : 2-221-10227-4
FORMAT : 13,5cm x 21,5cm

Peindre comme si c’était l’aube

Agrégé d’anglais, après avoir enseigné à Rome, Frédéric Ferney a été journaliste aux pages littéraires du Nouvel Observateur ; il est aujourd’hui surtout connu du grand public pour son émission Le bateau livres (France 5). Ni biographie, ni roman (mais le ni ni n’est-il pas en soi discutable ?), Le Dernier amour de Monsieur M. nous emmène dans l’intimité d’Henri Matisse. La faiblesse du livre est sans doute là, dans ce parti pris de s’abriter derrière un «vrai-faux» Matisse et son journal imaginaire, procédé littéraire dont on peut discuter la pertinence. Cependant, les premières réticences exprimées, le lecteur se laisse entraîner.

Situé après la mort du peintre, le texte se présente comme une sorte de double testament : carnets offert par Matisse à Lydia Delectorskaia qui l’entoura jusqu'aux derniers jours, et transmission par celle-ci à son fils. Double héritage de la dilection et de l’amour maternel. 223 pages de notes brèves, un jour par page, qui nous promènent du jeune Henri au vieux peintre à l’extrême fin de sa vie. Vieillard fidèle à sa passion unique : la peinture.

Le fil conducteur, comme dans les toiles de Matisse, est la joie de vivre doublée du plaisir d’observer, de faire vibrer un monde de couleurs et de sensations. Frédéric Ferney rappelle et revisite les maîtres des jeunes – ou moins jeunes – années : Bouguereau exécré, Cézanne admiré, Renoir… L’atmosphère et les rêves du jeune septentrional venant vivre sa peinture à Paris (1891-1898), souvenirs alternés avec les impressions du vieil homme dans la lumière de Cimiez à l’été 1954 : «Nord, Sud. J’y reviens car j’y reviens toujours. Terre acquise contre terre promise. Le Nord, ça vous pousse, on en hérite, on en vient et on y revient ; le Sud on y va tête baissée devant le chiffon rouge des crépuscules.»

Frédéric Ferney écrit un peu comme Matisse peint, par aplats, par touches de couleurs franches ; il y a tout à la fois de la joie et de la sérénité dans son texte ; il se pose, fait se poser à Matisse à travers son journal inventé, les questions qui sont les nôtres sur ses toiles, ce qu’elles nous disent («je n’écris pas des livres, je les peins» - p178). Le texte paraît facile, couler de source, et nous renvoie à la limpidité heureuse et cependant mystérieuse du peintre : «23 octobre : Ma vie aurait pu être autre, et meilleure, sans doute. Il y a un bonheur du passé qui persiste dans le souvenir : ce qui fait l’heureux temps de la vieillesse c’est qu’elle est plus sensible aux parfums. C’est ma façon d’être gâteux.»

Le livre se termine sur l’énigmatique don à Lydia, «un petit lézard mordant la lune». Et une fois le livre refermé, le lecteur n’aura plus qu’une envie : aller rêver devant le si jeune Matisse, pour y puiser une leçon d’optimisme...

Marie-Paule Caire
( Mis en ligne le 02/11/2005 )
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