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Littératureet   

Voyageur malgré lui
de Minh Tran Huy
Flammarion 2014 /  18 €- 117.9  ffr. / 240 pages
ISBN : 978-2-08-133356-7
FORMAT : 13,5 cm × 21,0 cm

La distance et l'oubli

Minh Tran Huy explore à nouveau les couloirs de la mémoire et de l'exil, débusque les traces d'une identité faite d'atavisme et d'oubli.

La narratrice, Line, est une enfant de première génération, née française de parents exilés : l'Indochine, le Vietnam, la France. Aujourd’hui adulte, elle a pour profession de traquer les traces ; déformation par l'héritage. Elle enregistre à travers la planète des sons, des ambiances, pour le compte de sociétés de production. Elle interroge le silence et ses variations...

Lors d'un voyage à New York, par quelques hasards, elle s'intéresse à des figures de l'exil et de l'errance, le français Albert Dadas, jeune fou de la fin du XIXe siècle, pris de l'urgence de l'escampette, incapable de rester longtemps sur place, marchant, voyageant par instinct, par pulsions. Elle découvre son existence à l'occasion d'une installation d'art contemporain et finit par lire la thèse du médecin qui le suivit dans ses pérégrinations. Mais aussi l'itinéraire tragique de la somalienne Samia Yusuf Omar, sprinteuse au 200 mètres aux J.O. de Pékin... morte noyée, boat people comme tant d'autres, aux portes de l'Europe...

A ces itinéraires-là, Line associe celui de son père et de ses proches, eux aussi ''voyageurs malgré eux'' de l'Indochine française à la République socialiste du Viêt Nam. Son père, figure de l'exil, est cet homme mutique et réservé, père attentif et attentionné mais qui cherche à taire le passé familial à ses deux filles. Line veut savoir, questionne, interroge. Déformation professionnelle. Alors le père commence à parler et donner chair à ceux restés derrière, morts le plus souvent. Pour combattre l'oubli, finalement.

On peut trouver maladroite cette association d'itinéraires certes comparables mais pas vraiment similaires, on peut regretter aussi que, trop souvent, Minh Tran Huy conserve une prudence, une réserve par rapport à son sujet, une pudeur dont le style peut se ressentir, parfois atone et trop prosaïque. On a connu la jeune auteure plus poète. Le roman n'en est pas moins touchant. On espérait simplement subir à son tour un voyage malgré soi, un exil, un emportement.

Thomas Roman
( Mis en ligne le 25/08/2014 )
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