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Petits oiseaux
de Yôko Ogawa
Actes Sud - Lettres japonaises 2014 /  21,80 €- 142.79  ffr. / 268 pages
ISBN : 978-2-330-03438-2
FORMAT : 11,5 cm × 21,7 cm

Rose-Marie Makino-Fayolle (Traducteur)



Le langage pawpaw

Au pays du Soleil Levant, de nos jours vivent deux frères un peu particuliers qui conservent «le nid» de leurs parents tout au long de leurs vies. Ils vivent repliés sur eux-mêmes car l’aîné ne parle que le langage pawpaw, celui des oiseaux, que seul son frère comprend et peut traduire. Même ses parents ont renoncé.

Les seules sorties de l’aîné, de son vivant, sont d’entretenir minutieusement la volière d’un jardin d’enfants, que la directrice, qui le voyait chaque jour étudier les oiseaux, lui confie ; et l’achat le mercredi à la pharmacie de sucettes pawpaw dont le papier est recouvert d’un oiseau. A sa mort, son frère prendra la suite dans la volière, pendant vingt ans. Leur vie est bien rangée, monotone, routinière même dans la maison familiale, où l'on écoute des concerts de musique classique : «A douze heures quarante cinq, le régisseur enfournait à nouveau sa bicyclette pour retourner à la résidence. Son frère aîné faisait la vaisselle, rinçait la boite de conserve, refermait l’encyclopédie pour ensuite attendre le retour du cadet dans la soirée» (p.49).

Par-dessus tout, l’amour des oiseaux les définit. La mélodie des oiseaux est riche, d'un rythme léger qui élève l’âme. Ils sont presque irréels, ces deux frères qui aiment entendre, avec obsession, chanter les petits oiseaux. Ce qui ressort de ce délicieux roman, éthéré dans le bons sens du terme, est la difficulté quotidienne des deux personnages pour s’intégrer au monde des humains et simplement communiquer. «Chez eux les visites d’oiseaux erratiques étaient beaucoup mieux considérées que celles des hommes. Sur la mangeoire-plateau que l’aîné avait fabriquée (…) apparaissaient les silhouettes de toutes sortes d’oiseaux vagabonds. Jaseur, mésange charbonnière, mésange boréale, bruant» (p.92).

Yôko Ogawa a le don d’emprunter des chemins de traverse et d’insuffler une douce sensibilité là où il semble n’y avoir que peu de choses, tout en comblant les creux avec de formidables trouvailles. Vivre en marge ne signifie pas ne pas vivre mais vivre autrement : ces deux frères unis de façon fusionnelle et heureux consacrent leur existence aux petits oiseaux avec une grande connaissance ; observer et communiquer, nettoyer la volière, tenter de percer les mystères de ces oiseaux sont autant d’occasions de se laisser enchanter par la puissante évocation du langage poétique de l’auteur. Les bruits, les sons, les chants tissent avec talent la trame de cette histoire insolite.

A lire absolument pour le zen et cette sagesse intérieure inspirée par le roman. «Tous les chants d’oiseaux sont des chants d’amour. Aucun être au monde ne pouvait chanter avec autant de sincérité, motivé par autre chose que de l’amour» (p.65).

Eliane Mazerm
( Mis en ligne le 24/11/2014 )
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