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Littératureet   

Big brother
de Lionel Shriver
Belfond 2014 /  22,50 €- 147.38  ffr. / 434 pages
ISBN : 978-2-7144-5627-4
FORMAT : 15,5 cm × 24,0 cm

Laurence Richard (Traducteur)

Comme la vie...

La nourriture est essentielle, dans chaque culture. On cuisine avec et pour ceux que l’on aime. Cuisiner pour l'autre, c’est prendre le temps de nourrir la personne, de la faire vivre. La nourriture pose ainsi la question de l'humain et des relations des êtres entre eux.

Née aux États-Unis, Lionel Shriver vit à présent en Grande Bretagne. Plusieurs de ses romans ont été publiés en français. Dans Big Brother, elle affronte l'un des enjeux sociaux contemporains les plus prégnants : l’obésité. L'intrigue s'inscrit au cœur de l'Amérique, où le pourcentage d'obésité est le plus élevé, ce qui n'enlève rien à l'universalité du propos : en moyenne, aujourd'hui, le taux d'alimentation dans les pays riches augmente exponentiellement, autre revers du capitalisme moderne.

Lionel Shriver pose indirectement ces questions : qu’est-ce que la nourriture ? Quelque chose d'essentiel pour vivre ? Est-ce aussi lié à la culture ? Au plaisir ? Aux loisirs ? Est-ce un signe du bien-être ? En lisant le roman, on s’interrogera aussi sur son rapport personnel à l'alimentation. Un sujet à la fois social et intime, et des réalités parfois douloureuses.

Sœur d’un obèse, Lionel Shriver mobilise avec courage son expérience personnelle, ce malaise né de la chute d'un proche, jusqu'à la mort, le regret, la nostalgie, la honte... L'auteur frappe par sa sincérité dans l'exposé d'une histoire qui n'est dès lors qu'en partie fictive, l’histoire d’une femme qui accueille chez elle, avec son mari et ses deux enfants, son frère obèse. Le récit se structure en trois parties dont la dernière devient comme un journal, retour à sa propre voix et au frère réellement décédé. Les deux frères, le fictif et le réel, se superposent à la lecture, plongeant l'auteur dans une douleur finale des plus intimes, qui scelle une connivence douce entre le disparu, elle-même, et son lecteur. Edison le frère admiré, mal aimé, mal aidé, celui qu'elle a honte de ne pas reconnaître à l'aéroport, qu'elle a honte de ne pas vouloir recueillir chez elle... La voix de l'auteur prend alors une force et une teinte insolentes, qui réduit l'épaisseur du temps et nous plonge avec elle dans l'instant de la perte.

«C’est une histoire triste, mais qui n’a rien de mystérieux… La vie d’Edison a démarré sur une courbe ascendante et excitante, puis elle a commencé à tourner sur elle-même, et il s’est découragé». Derrière les statistiques et les pourcentages, chaque individu possède son histoire qui n’a rien du mystère, qui touchera universellement. Sur la vie et ses impasses, la perte ou la prise du contrôle, le retour à la simplicité des choses, comme la nourriture, comme la vie.

Simone Warner
( Mis en ligne le 28/11/2014 )
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