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Littératureet   

Se lever à nouveau de bonne heure
de Joshua Ferris
JC Lattès 2015 /  22 €- 144.1  ffr. / 378 pages
ISBN : 978-2-7096-4297-2
FORMAT : 14,0 cm × 22,5 cm

Dominique Defert (Traducteur)

Caries, tweets et Torah

Bavard, bavard, traînant en longueurs, d'un patient à l'autre, propos sur les religions et nos vies telles qu'elles vont, nous tous prisonniers de la consommation, nos téléphones portables, rebaptisés ''ego-machines'' par l'auteur, de nos individualismes, nos ressentis, ''moi, moi-même et je'', de rythmes vains - métro, boulot... -, ce récit des affres d'un dentiste new-yorkais ne convainc pas totalement.

Il a la quarantaine, travaille avec Connie, Betsy et Abby dans son cabinet de dentiste ayant pignon sur rue (Park Avenue, non la moindre à Manhattan), Connie qu'il manqua d'épouser, qu'il regrette de ne pas avoir épousée, Betsy, vieille bigote perfectionniste et agaçante, Abby qui partira. Il s'appelle Paul O'Rourke, patronyme aux origines plus mystérieuses et mystiques qu'il n'y paraît, ce qui lui est révélé par usurpation d'identité sur la toile. On crée à son insu le site internet de son cabinet, ses comptes Facebook et Twitter, et l'on enrobe son "alter-ego'' numérique de religiosités absconses, lui si fier d'être athée malgré un passé exagérément philosémite, quand il volait emballer Connie et sa famille, les Plotz.

Paul serait le descendant des Ulms, religion perdue dans le temps et la Judée, massacrée par les tribus juives à un temps où Jésus lui-même était dans les limbes. L'Histoire n'étant écrite que par les vainqueurs... Il ne se souvient plus vraiment qui sont Ross, Rachel, Monica de la sitcom Friends. Sa jeunesse le lâche... Fan de base-ball et des Sox, il se regarde en boucle, lors de nuits insomniaques (d'où le titre), de vieux matchs enregistrés.

Narrateur dans le récit, Paul divague, épilogue, doute et s'insurge contre cet autre que lui qui le parasite sur la toile. Et le lecteur zigzague avec lui, de l’exégèse des textes sacrés aux tréfonds d'une bouche grand ouverte. Caries, tweets et Torah... On s'y perd un peu, le regard perdu au-dessus d'une glotte... "un oeil sur la balle, l'autre vers les cieux" (dernière phrase du roman). Le récit aurait mérité un élagage, moins de café - le débit est nerveux, souvent, et crispe -, plus de composition. Dans ce foutras, de belles perles, moments sincères, émotions nues, touchantes. Mais trop de gras larde cette introspection d'un quadra urbain perdu.

Thomas Roman
( Mis en ligne le 02/10/2015 )
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