L'actualité du livre
Littératureet   

La Saison des Bijoux
de Eric Holder
Seuil - Cadre rouge 2015 /  18,50 €- 121.18  ffr. / 312 pages
ISBN : 978-2-02-104200-9
FORMAT : 14,2 cm × 20,5 cm

Le temps d’un été

La saison commence un jour d’avril sur un marché du Médoc pour se terminer fin août. La petite tribu dans son fourgon : Bruno et Jeanne, leur fils Alexis et l’ami de toujours Virgile, viennent vendre sur un étal des bijoux fantaisie qu’ils fabriquent eux-mêmes. Ils viennent du Lyonnais pour faire la saison dans une station balnéaire proche de Bordeaux, Carri, 400 habitants en hiver, 4000 en été, avec hôtels et campings. «Alentour, du reggae s’échappait d’une tente où rissolaient des accras de morue. Des basques en chemise blanche, foulard rouge et béret tranchaient le longo, la tomme, sous les guirlandes en piment d’Espelette. Le pruneau d’Agen voisinait avec le savon d’Alep, la céramique catalane avec les couteaux auvergnats» (p.10).

Bruno et Jeanne aimeraient bien se remplir les poches, avoir l’occasion de voyager et de changer de région. Ils sont ambulants dans l’âme. Mais le marché a ses lois et ses codes. Francis, le placier, attribue les emplacements et perçoit les redevances, sous la coupe de Forgeaud, bistrotier installé de longue date ; il surtaxe les marchands, officiellement pour la caisse de la communauté, en fait pour son profit personnel, ce depuis très longtemps. Tout le monde le sait et se tait sous la menace d’un mauvais emplacement en cas de rébellion. Même Madame le Maire est impuissante devant son racket. «Forgeaud représentait (…) un spécimen formidable des principaux traits (…) du génie français : la roublardise, le cynisme et la félonie. Ne manquait pas l’arrogance, elle provenait d’un fonds de bêtise, de brutalité sans faille» (p.96).

Sur le marché, il fait la chasse aux Roms, aux Tziganes, avec l’aide d’Angélo, gitan repenti. Il ne craint pas la violence, il est aussi prêt à tout pour posséder Jeanne avant la fin de la saison. Le trio, le couple et le cafetier, est au cœur du roman ; autour d’eux évolue une myriade de personnages secondaires colorés qui vont tisser des liens. On ressent les jours animés qui passent, sous la plume amusée du romancier, dans cette comédie humaine, entre rires et larmes : tous ces personnages, à la limite de la caricature, font penser à du Pagnol. Une plongée amusante dans une province moins tranquille qu’il n’y paraît.

Quel que soit le lieu, les méchants sont là, le pouvoir tyrannique s’exerce aussi à l’échelle d'un village. Le monde des marchés est pittoresque, entre cris et fourmillement des fourgons. De nombreux dialogues construisent ce roman vivant, étude sociale dépeignant avec précision cette ambiance colorée et bruyante des marchés d'été. Un sujet finalement peu traité, qu'Eric Holder, en bon portraitiste, soigne, rendant hommage à ces marchands ambulants au statut précaire, dans l'attente du client... par n’importe quel temps.

Eliane Mazerm
( Mis en ligne le 07/10/2015 )
Droits de reproduction et de diffusion réservés © Parutions 2024
www.parutions.com

(fermer cette fenêtre)