L'actualité du livre
Littératureet   


de Hubert Haddad
Zulma 2015 /  18 €- 117.9  ffr. / 246 pages
ISBN : 978-2-84304-724-4
FORMAT : 12,5 cm × 19,0 cm

''La marche à pied mène au paradis''

«La marche à pied mène au paradis» : première phrase de ce beau roman situé au Japon. Deux héros, deux époques. Le premier, Shôichi, a vingt ans au début du roman, il est étudiant en sciences de la Terre à l’université de Todai. Fils d’un américain qu’il n’a jamais connu, il vit avec sa mère et travaille le week-end au café Crépuscule chez Monsieur Bo. Entre un soir dans l’établissement un couple en train de divorcer dont la femme va bouleverser sa vie. «Une étrange lumière animait son visage. Elle avait des yeux de chat intelligent, très relevés sur les tempes, des oreilles de poupée et une épaisse chevelure».

La belle Saori, universitaire, raffinée, abandonnée par un mari qui ne la méritait pas, séduit immédiatement Shôichi ; elle a l’âge d’être sa mère et va l’initier à la vie, à l’amour. Mais l’homme de la vie de Saori est sans aucun doute le poète Santôka (1882-1940), haïkiste reconnu, poète errant, et amateur de saké, dont elle écrit sans relâche la vie depuis des années et dont, à sa disparition, elle lègue le manuscrit : Vivre avec Santōka.

Saori perdue à jamais, ne reste à Shôichi que cette biographie, qu’il lit, relit, qu’il vit : «Moi, Shôichi, dernier moine pèlerin en ces terres chancelantes, je marche sur les pas de Santôka depuis qu’une déesse m’a délaissé dans la saison froide. L’hiver sans couleur / éclaire ton oeil noir / rare nuit des neiges. / Tout chemin semble étranger quand on évoque l’amour perdu».

A la suite de Shôichi, le lecteur découvre la vie de Santôka, destin tragiquement marqué par le suicide de sa mère alors qu’il n’avait que onze ans et la ruine de la famille due à un père noceur et incapable. Une vie de poète errant qui choisit de ne s’attacher nulle part, choix que Shôichi reprend à son compte. Deux vies parallèles, avec leurs points communs et leurs différences, deux vies qui se confondent, et un superbe roman. «Marcher est une façon de ne pas mourir» ; cela pourrait résumer un des axes du récit. Shôichi comme Santôka marchent, errants dans un monde qui cherche la sédentarité.

Par touches concises, Hubert Haddad entraîne ses lecteurs dans un univers poétique. Certes les tourments de la vie - mort, ivresse, trahison - sont présents mais ses héros s’en détachent de façon tranquille, animés par un sentiment de paix transmis par la poésie, le saké et la marche sur des sentiers de pèlerinage. «(…) il n’y a rien à monnayer ni à convoiter sur cette terre, serait-ce la vacuité».

Marie-Paule Caire
( Mis en ligne le 06/11/2015 )
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