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Littératureet   

Plus doux que la solitude
de Yiyun Li
Belfond 2015 /  21 €- 137.55  ffr. / 368 pages
ISBN : 978-2-7144-5107-1
FORMAT : 14,0 cm × 22,6 cm

Françoise Rose (Traducteur)

Seuls pour la vie…

Yiyun Li est née en 1972 à Pékin, avant de venir en 1996 suivre des études de médecine aux États-Unis. Sino-américaine, elle écrit en anglais et s’impose assez vite comme une nouvelliste et romancière reconnue : Plus doux que la solitude est son troisième roman après Un beau jour de printemps (2010) et Un millier d’années de bonnes prières (2011). Elle y fait circuler ses quatre héros entre Chine et Amérique, du 1er août 1989 aux années 2010.

1989 : l’année des contestations étudiantes et de la violente répression, place Tian’annmen. Le propos de Yiyun Li n’est pas d’écrire un roman politique mais de montrer un destin qui semblait tracé, brisé par par les événements politiques : Shaoai, jeune étudiante au sale caractère, sera renvoyée de l’université pour avoir refusé de se rétracter et de condamner la tentative révolutionnaire. Un destin individuel qui entraîne dans la tragédie ceux qui l’entourent. Pourtant Yiyun Li ne montre que peu Shaoai dans ce roman davantage centré sur les trois autres protagonistes : l’énigmatique Ruyu, orpheline élevée par deux vieilles filles rigides et catholiques dans la Chine post maoïste, la tendre Moran et le fidèle Boyang.

Envoyée par ses tutrices (ses «grands-tantes») vivre chez les parents de Shaohai à Pékin, Ruyu, sans le vouloir, va perturber tout l’équilibre de la famille qui l’accueille, Lan et Zechen, les parents de l’acariâtre Shaohai, Boyang et Moran les deux adolescents qui vivent dans la même siheyuan (maison traditionnelle, composée d’un ensemble de bâtiments autour d’une cour carrée, transformée en immeuble collectif).

Plus rien ne sera comme avant, et, des années plus tard, Yiyun Li suit Moran et Ruyu aux États-Unis ; ils ont poursuivi tant bien que mal leurs vies, tandis que Boyang et Shaoai, à jamais handicapée par un mystérieux empoisonnement, sont restés à Pékin. «Rien ne rend la vie plus insupportable qu’un espoir infondé». L’espoir est un luxe qu'abandonnent assez vite les héros, sauf peut-être Boyang. Le roman se construit par allers-retours entre 1989 et nos jours ; progressivement Yiyun Li lève ce voile sur l’événement enfoui comme un lourd secret par les héros.

Un roman qui se construit sur les sentiments et les souvenirs à peine exprimés des personnages, leur enfermement dans le passé qui a figé leur vie. Des personnages construits par petites touches mais un peu simples, qui évoluent peu, en dépit du drame fondateur. Yiyun Li a voulu poser la solitude comme sujet central, ses quatre héros sont emprisonnés dans cette solitude, imposée depuis toujours pour Ryu et Shaoai, sanction injuste pour Moran et Boyang. Aussi, qu’ils soient aux États-Unis ou en Chine, ils sont, chacun à sa façon, devenus incapables de véritables relations avec les autres. Quatre destins individuels qui sont une image des voies chinoises depuis Tian’annmen : la paralysie de Shaohai, la réussite financière de Boyang, les exils sans retour de Moran et de Ruyu ; Moran qui réussit aux États-Unis par les études, et Ruyu qui semble s’adapter à la société américaine, à sa sociabilité apparente. Quatre visages pour une même Chine...

Un roman nostalgique qui s’ouvre sur une incinération et se clôt sur une happy end moyennement crédible.

Marie-Paule Caire
( Mis en ligne le 13/11/2015 )
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