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Littératureet Rentrée Littéraire 2021  

Un cheval dans la tête
de Sylvie Krier
Serge Safran Editeur 2019 /  17,90 €- 117.25  ffr. / 216 pages
ISBN : 979-10-97594-24-4
FORMAT : 14,0 cm × 21,1 cm

La chevauchée de la dernière chance

Philippe Djian a écrit à propos de ce premier roman : «Chez Sylvie Krier, lorsque on s’approche d’un enclos, on prend la mesure de ce que signifie profondeur de champ». Le lecteur pénètre en effet au plus profond de la psychologie de l’éleveur et du cheval, couple harmonieux.

Jack élève des chevaux, il ne se verrait pas faire autre chose, c’est sa passion, sa vie, comme dans un western à la française. Le plus dur est de gagner son pain, même modestement. Un éthologue dirait la part d’instinct et d’apprentissage dans le comportement du cheval et sa relation à l’homme. Mais qu’en est-il de l’attitude humaine, en côtoyant l’animal chaque jour ? Grâce au talent de Sylvie Krier, nous comprenons mieux ce couple fusionnel.

Elle raconte le parcours accidenté de l’éleveur, son bizarre ami Chayton, sa compagne Célie, jeune femme indépendante, sauvage mais toujours prompte à lui porter secours, et Louise sa fille de 14 ans envoyée par sa mère qui est photographe journaliste. «Nous avons décidé d’être libres après une période de cohabitation qui s’était soldée par un échec. Célie attendait que je change. Je ne savais pas comment m’y prendre, alors j’attendais aussi». L'auteure nous montre le mimétisme conscient ou non que tous vont adopter envers le caractère des chevaux.

Jack est assoiffé de liberté mais il lui manque l’argent pour pouvoir assouvir sa passion car il a toujours besoin des autres pour arriver à nourrir, soigner décemment ses étalons et ses juments, et vivre normalement avec sa fille qui le voit comme un raté et qui le hait. Il ignore en outre qu’elle se drogue depuis longtemps... Jeune, il avait une existence de rêve, cascadeur pour le cinéma, son nom était sur le générique des films, mais un grave accident a tout brisé ; il n’est pas capable de s’organiser une vie modeste sans les paillettes. Il est faible face à tous ses problèmes existentiels et pratiques... toujours sous le regard critique de Mickey qui l’humilie parfois en constatant le désordre dans la vie de son frère et son incapacité à assumer.

Dans ce corps à corps avec la nature, un industriel débarque avec sa fiancée et veut s’associer à notre cowboy. Les perspectives semblent favorables. Ils partent à Séville pour choisir un bon étalon afin d’agrandir le cheptel. Malheureusement, Jack qui croyait avoir trouvé un crack s’aperçoit que la bête a un défaut : elle amble comme un chameau, elle s’appuie sur deux pattes latérales. Que va penser l’investisseur qui a payé très cher pour avoir un champion ?...

Cette odyssée exhale la peur et la poussière, l’odeur des chevaux, ainsi que toutes les contradictions dues à la fragilité des personnages retenus par le combat et le renoncement. On se croirait chez les marginaux de l’Ouest rural américain. Ce roman choral, sa suite de tableaux, les idées fortes et simples qu'il véhicule, et la véracité du détail créent une épopée poignante et malheureuse. L’écriture est simple, efficace ; elle fait ressortir le milieu si particulier des chevaux et du ranch.

Puisse Sylvie Krier être récompensée pour le prix du premier roman !

Eliane Mazerm
( Mis en ligne le 28/10/2019 )
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