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Beaux arts / Beaux livreset Architecture & Design  

L'Architecture naturelle
de Kengo Kuma
Arléa 2020 /  15 €- 98.25  ffr. / 208 pages
ISBN : 978-2-36308-230-5
FORMAT : 13,1 cm × 20,1 cm

Catherine Cadou et Chizuko Kawarada (Traduction)

Eloge de la relationalité

Nul besoin d'être spécialiste pour apprécier cet essai de Kengo Kuma, savoureux traité d'architecture japonaise, pour une approche raisonnée du bâti, entre tradition et modernité, Orient et Occident.

On doit à Kengo Kuma le stade olympique de Tokyo, le musée Hiroshige mais aussi la Cité des arts de Besançon ou encore le Fonds Régional d'Art Contemporain de Marseille. Dans le présent essai, l'architecte détaille d'autres projets pour illustrer son propos. La Maison Eau/Verre - "architecture à la surface de l'eau" - à Atami, le Musée de Pierre à Tochigi, ou la Maison Grande Muraille de Chine à Pékin permettent au créateur d’expliquer les vertus d'une architecture naturelle, transparente et ancrée dans les traditions japonaises.

Tout part du lieu, explique-t-il, et du dialogue que l'architecture doit tenir avec lui, «une juste entente avec le paysage», pour un résultat qui se conçoit comme une existence et non seulement comme une représentation. Sans le renier totalement, Kengo Kuma souligne en préambule les impasses du béton, choix fait par l'Occident au XXe siècle, au risque de l'uniformisation et d'une rupture dans ce dialogue avec la nature, malgré quelques artifices par ailleurs coûteux (plaquer du bois ou de la pierre sur ce béton opaque, dont on ne voit pas en surface le processus de détérioration). L'auteur évoque sans détour «les ténèbres profondes du béton».

Préceptes et techniques d'une architecture traditionnelle japonaise sont en réponse présentés et expliqués, dans les soucis conjoints de la fonction, de la durabilité et de la beauté d'une construction. Les matériaux, idéalement, sont de sources vernaculaires, des bois d'essences locales, de l'adobe même, ces briques de terre séchée, pourquoi pas, mais d'une façon modernisée et accessible. «La démocratie de la terre» en somme, et un jeu habile sur les matières, les ambiances et les lignes séparant subtilement, comme dans un jardin japonais, l'artifice de la nature. Kengo Kuma explique ainsi ce qu'est l'engawa, espace intermédiaire entre le dedans et le dehors, qui est plus qu’une terrasse ou qu’une galerie, ou le komorebi, cette lumière douce qui se diffuse à travers les feuillages d’une forêt. On n'est pas très loin de L'Eloge de l'ombre de Junichirō Tanizaki, oeuvre chère, d'ailleurs, à l'auteur.

Cette architecture naturelle n'est pas architecture traditionaliste. Elle tire sa modernité du respect de ces traditions. Kengo Kuma n'hésite pas à recourir au béton, au plastique même (dont on oublie qu'il s'agit, aussi, d'une matière naturelle, rappelle-t-il). Tout est question de dosages et d'intention, et d'une attention à ce que l'architecte Bruno Taut, cité par l'auteur, appelait la relationalité (Bruno Taut, La Redécouverte de l’esthétique japonaise).

Mathieu Gazzola
( Mis en ligne le 29/03/2021 )
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