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Colorama - Les plus grandes photographies du monde made in America
de Alison Nordström et Peggy Roalf
Textuel - Photo 2004 /  29 €- 189.95  ffr. / 79 pages
ISBN : 2-84597-129-X
FORMAT : 25x15 cm

Happy days, version carte postale géante

Naguère, le voyageur de passage dans la gare de Grand Central (500 trains et un demi-million de voyageurs par jour), à New York, pouvait lever la tête et s’extasier au spectacle de photos géantes – les coloramas - sur le thème du rêve américain. Au fil des jours et des changements, les photographies représentaient des scénettes, des paysages d’un académisme de bon aloi. Kodak, à l’origine de l’initiative publicitaire, faisait ainsi montre de sa technicité autant que de son identité américaine, et associait à ce projet quelques uns des plus grands photographes d’alors (Eliot Porter, Ernst Haas…). A l’époque, le rêve américain s’exporte et s’affiche non sans fierté pour une nation qui pense avoir accédé au bonheur via la société de consommation. De 1950 à 1994, ce sont ainsi 565 coloramas qui auront, l’espace d’un instant ou d’un regard, rappelé au voyageur qu’il s’apprête à explorer autant une civilisation et une culture qu’un territoire de la taille d’un continent.

A l’occasion de la rénovation de la gare, entamée en 1990, un album photo commémoratif fut publié, rassemblant cinquante de ces photographies. Cette traduction française en reprend quelques unes et offre ainsi au public français un aperçu d’un modèle américain un peu dépassé, mais qui laissera sans doute nostalgique d’un temps que les moins de vingt ans ne peuvent décidément pas connaître. La prouesse technique (de véritables photographies, format 5,5 sur 18 mètres, qui supposèrent la création d’une nouvelle pellicule – l’ektacolor - et d’un nouvel appareil photo, l’Instamatic) passe quelque peu inaperçue et doit être mise en perspective (une photographie en dernière page montre Grand central avec l’un des coloramas). Mais le reflet d’une époque est là, celle du Hula Hoop, de la conquête spatiale, des belles américaines et des surprises-parties. Happy days, version carte postale géante.

Les valeurs développés par ce voyage rapide dans l’Amérique des années cinquante et soixante sont simples et attendues : la vie de famille et ses joies, l’enthousiasme de la jeunesse, les loisirs de masse, les charmes du voyage à travers le monde. C’est cette banalité aux couleurs pastel qui fait le charme de l’ouvrage. Bref, ces photos explorent le mythe des années du baby-boom, de la vie heureuse et de la photographie facile. Invoquant Guy Debord et sa Société du spectacle dans une introduction chronologique efficace, Alison Nordström souligne le rôle de ces images dans l’inconscient des populations, la manière dont elles ont pu façonner les regards et les désirs. Entre publicité et art, les coloramas auront mis en image, un temps, les rêves, les espoirs de millions d’Américains : cet album est un bon autant qu’un beau résumé du rêve américain.

Gilles Ferragu
( Mis en ligne le 03/12/2004 )
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