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Afriques
de Raymond Depardon
Hazan 2005 /  49.90 €- 326.85  ffr. / 300 pages
ISBN : 2-7541-0045-8
FORMAT : 19,5cm x 28,5cm

L'auteur du compte rendu: Marion Perceval a suivi les cours de premier et de deuxième cycles de l'Ecole du Louvre (option histoire de la photographie). Elle prépare actuellement une thèse d'histoire des techniques sur les Sociétés d'amateurs photographes à la fin du XIXe siècle et la technique photographique.

Sans exotisme

Eviter le beau, à tout prix. Et pourtant, comment rendre les sensations sublimes de ces voyages, comment partager la complicité, la proximité ressenties avec les personnes rencontrées ? Ce sont les questions auxquelles Raymond Depardon a dû répondre avant de montrer ses photographies et surtout de les rassembler dans un ouvrage, Afriques, publié chez Hazan.

Le désordre, répond-il. Le désordre des images présentées correspond à la multitude de sentiments provoqués par ces nombreux voyages. Les Afriques, ce sont celles qu’il a successivement visitées et vécues : le désert, les guerres, les coups d’Etat, mais aussi les famines et la vie plus quotidienne. Témoin depuis plus de quarante ans des événements tragiques ou quotidiens, le photographe assume pleinement le désordre de son livre.

On parle souvent de l’Afrique comme d’un peuple, d’un ensemble, unique et homogène ; Raymond Depardon, à la fois photographe, cinéaste et écrivain, tente de restituer à ce continent toute sa complexité. La visite officielle de la reine d’Angleterre en Ethiopie en 1965 côtoie des portraits de femmes angolaises datés de 1994. Cependant la guerre est omniprésente mais elle l’est plus dans ses stigmates que dans des images de combats. Blessés, morts, réfugiés sont les acteurs de ces images dont la crudité est contrebalancée par la beauté des paysages et des étendues de savane ou de désert. Si l’on peut parfois craindre que le noir et blanc des photographies ne magnifie gratuitement les images (quelquefois de façon troublante), ici il offre toutes ses nuances pour traduire à la fois la brutalité des situations et la beauté des paysages ou la fierté des visages meurtris. L’exotisme y est exclu.

Le photographe clame depuis plusieurs années son amour du désert (notamment dans le film Un homme sans l’occident, 2003), mais cet ouvrage est celui d’hommes et de femmes croisés au hasard, simples passants ou devenus proches de lui. Ces images nous touchent par leur grandeur, leur silence aussi, ponctué parfois de bruit de camions ou de voitures ou d’explosions.

Ce silence est prolongé dans le livre par le parti pris de mise en page : des images pleines pages entourées d’une simple et fine marge noire. Depardon laisse aussi le lecteur déambuler et s’imprégner des lieux en ne lui donnant qu’une introduction à son travail. Finalement, il ose ne rien dire de plus que la légende et on l’en remercie, son ouvrage n’en est que plus fort, «quatre cents pages de photographies sans respiration», dit-il.

Marion Perceval
( Mis en ligne le 17/10/2005 )
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