L'actualité du livre
Beaux arts / Beaux livreset Photographie  

Ottomanes
de Enis Batur , Timour Muhidine , Emmanuelle Devos et Jules Gervais-Courtellemont
Bleu autour - D'un regard l'autre 2005 /  28 €- 183.4  ffr. / 155 pages
ISBN : 2-912019-34-6
FORMAT : 22,5cm x 22,0cm

Traduction de Gül Mete-Yuva.

Nostalgies orientales

Ami de Pierre Loti, voyageur reconnu à son époque, aujourd’hui totalement oublié, Jules Gervais-Courtellemont (1863-1931) a monté de nombreuses expéditions, plutôt dans le monde musulman, à la fin du XIXe siècle. Il voulait faire découvrir aux Français ces sociétés exotiques, qu’il leur présentait ensuite dans les livres et des conférences (Mon voyage à la Mecque, 1895, Voyage au Yunnan, 1904) avec, aussi, des reportages sur la guerre de 14 (Les Champs de bataille de la Marne, 1915, Les Champs de bataille de Verdun, 1917 etc.). Ses récits ont été publiés dans la presse : l’Illustration, le Globe-trotter mais aussi La Revue politique et parlementaire.

Il a d’emblée choisi de s’appuyer sur la photographie car il «voit dans ce medium l’outil le plus adapté pour» reproduire fidèlement les splendeurs du passé et le pittoresque du présent» (p.146). Il est l’un des rares photographes professionnels à avoir utilisé les autochromes, ancêtres de nos photos en couleurs, procédé de photographie industrielle, inventé par Louis Lumière. Le procédé «Autochrome Lumière» est présenté au public par son frère Auguste en juin 1907, et Gervais-Courtellmont l’emprunte immédiatement.

Spécialisées tout à la fois dans la Turquie et dans les livres de belle illustration, les éditions "Bleu autour" ont pris l’heureuse initiative d’éditer un choix d’autochromes de la collection de Jules Gervais-Courtellemont, conservée à la cinémathèque Robert–Lynen (Ville de Paris). Trois textes accompagnent les images : «Istanbul, la ville des grands oublis» (Enis Batur), «Aux derniers jours de l’empire» (Timour Muhidine) et «D’Orient» (Emmanuelle Devos). Les autochromes ont été réalisés dans le voyage effectué par Jules Gervais-Courtellemont avec son épouse en 1907 et en 1908, sur la route de Constantinople à Jérusalem, le légendaire itinéraire d’Orient. Son ambition est d’en rapporter les couleurs pour les faire partager à un public français sédentaire.

En feuilletant Ottomanes, on y retrouve ce que l’on en attend : les mosquées, Sainte Sophie, mosquée dans une église, les dames turques voilées d’avant Mustapha Kemal et peut être de demain (…), Grégoire Bay, consul de France, la beauté du Bosphore ou d’Alep, l’exotisme des couleurs... Mais on découvre aussi un empire ottoman qui s’essaye à la modernité, armé, des dames turques et modernes autant que les bourgeoises parisiennes ou provinciales de la même époque. Une gare au milieu de nulle part : symbole pathétique des efforts de modernité. Le livre se clôt par une suite sur Jérusalem. Bref, l’Orient du XIXe siècle. La douceur subtile des images n’amoindrit pas la force de leur témoignage. Un vrai «beau» livre.

Marie-Paule Caire
( Mis en ligne le 29/03/2006 )
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