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Platitudes - Une histoire de la photographie plate
de Eric de Chassey
Gallimard - Art et artistes 2006 /  29.50 €- 193.23  ffr. / 246 pages
ISBN : 2-07-077136-9
FORMAT : 16,5cm x 22,5cm

L'auteur du compte rendu : Marion Perceval a suivi les cours de premier et de deuxième cycles de l'Ecole du Louvre (option histoire de la photographie). Elle prépare actuellement une thèse d'histoire des techniques sur les Sociétés d'amateurs photographes à la fin du XIXe siècle et la technique photographique.

Les espaces photographiques

Avec Platitudes, publié dans la collection «Art et Artistes» de Gallimard, Eric de Chassey propose une nouvelle vision de la photographie. Son postulat de départ n’est pas de reconstituer ce qu’il appelle «une histoire unitaire de la photographie» (p.13), autrement dit, réécrire une histoire déjà balisée et connue. Conscient de la difficulté de son propos, l’auteur entend néanmoins «négocier la place de la photographie dans le régime de l’art» (p.12) et de prouver son appartenance à l’histoire de l’art ainsi que l’importance qu’elle a pu avoir. La photographie «plate» est non illusionniste, puisqu’elle affirme son artificialité et son incapacité à capter la globalité du monde, et par conséquent son obligation à prélever dans le réel.

Ainsi, Eric de Chassey – spécialiste du XXe siècle - chemine en historien de l’art dans l’histoire de la photographie, en choisissant les images uniquement selon un critère esthétique. Il se propose d’utiliser un corpus de photographies de toutes origines, périodes et artistes, débutant son étude avec les «photogenics drawings» (ou dessins photogéniques) de William Henry Fox Talbot, datés des années 1830, publiés dans les années 1840, puis la continuant avec Alphonse Bertillon et son procédé d’anthropométrie photographique, ou encore de façon plus récente les œuvres d’Andreas Gursky ou Thomas Ruff.

La pensée de l’auteur peut paraître complexe mais elle se développe peu à peu selon un découpage chronologique. En photographie, cette histoire commence par la représentation d’un paysage - celui que Nicéphore Niepce voyait de sa fenêtre dans les années 1820 - et, rapidement, son esthétique prend sa source dans les œuvres picturales de l’époque. Si «par nature l’image photographique lorsqu’elle est tirée sur un morceau de papier est plane» (p.10), la notion d’espace-temps en photographie est essentielle puisque dans toute image, la perspective et la profondeur doivent dominer la construction. Par exemple, l’invention du stéréoscope offre au spectateur la possibilité de voir la photographie en trois dimensions. La platitude est niée et pour le spectateur, la réalité n’est jamais aussi palpable.

Néanmoins, avec la photographie scientifique, dominée notamment par Etienne-Jules Marey à la fin du XIXe siècle, naît une nouvelle représentation - qui en apparence n’a que faire de l’esthétique - qui offre à Eric de Chassey les premières preuves de sa démonstration et ouvre l’essai à tout l’art du XXe siècle et à son esthétique documentaire ainsi qu'à la figure tutélaire pour beaucoup de Walker Evans.

L'auteur montre en quoi la photographie documentaire du XXe siècle puise profondément dans la photographie scientifique du siècle précédent ou encore comment le choix de la prise de vue frontale s’impose aux photographes. Si l'on ne peut pas véritablement parler d’essai d’histoire de la photographie – l’auteur n’a d’ailleurs pas la prétention de le présenter comme tel -, l’intelligence de cet ouvrage, destiné toutefois aux spécialistes, est de montrer à la fois les influences esthétiques entre les époques mais aussi comment la photographie doit, dès son invention, être considérée comme un art.

Marion Perceval
( Mis en ligne le 03/01/2007 )
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