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Images de l'Egypte chrétienne - Iconologie copte
de Mahmoud Zibawi
Editions Picard 2003 /  80 €- 524  ffr. / 239 pages
ISBN : 2-7084-0701-5

L’auteur du compte rendu: Yann Le Bohec enseigne l’histoire romaine à la Sorbonne. Il est l’auteur de plusieurs ouvrages adressés tant aux érudits qu’au grand public. En dernier lieu, il a publié L’armée romaine sous le Haut-Empire (Picard, 3e édit., 2002), César, chef de guerre (Éditions du Rocher, 2001), et Urbs. Rome de César à Commode (Le Temps, 2001).

Dix siècles d’art copte ou l’Égypte chrétienne

On appelle Coptes les Grecs d’Égypte, un peuple qui est resté attaché au christianisme, ce qui lui a valu au cours des siècles quelques problèmes et beaucoup de souffrances.
L’auteur de ce livre nous apparaît comme Libanais et Parisien, érudit et peintre, théologien et historien, caractères qui ne sont pas incompatibles et qui lui permettent de donner un livre à la fois beau et bon. Nous recommandons au lecteur de commencer par regarder la carte qui se trouve à la page 234 ; elle lui expliquera où se trouvaient la diaspora copte et les grands monuments qu’elle a laissés.

L’ouvrage couvre quatre périodes différentes. C’est l’époque paléochrétienne qui l’ouvre ; elle est marquée par des influences gréco-romaines. Les peintures murales ont été trouvées dans des catacombes, des sépultures individuelles et des chapelles. Les artistes, encore considérés comme de simples artisans, empruntent leurs thèmes à l’Ancien et au Nouveau Testament. On peut voir, par exemple, Marie à côté de l’arche de Noé à Bagawat, dans l’oasis de Kharga. Mais cette période a donné peu de documents ; la suivante est plus riche. L’art copto-byzantin, qui correspond au Haut Moyen Âge, reprend les mêmes thèmes, en ajoute de nouveaux et donne une importance particulière à ceux qui intéressent les fidèles commanditaires. Si le traitement des sujets doit beaucoup aux canons de Byzance, cette période n’en voit pas moins naître un art authentiquement copte, qui manifeste une volonté essentielle : l’esthétique doit traduire la théologie. C’est ainsi que le Christ en majesté joue un grand rôle aux côtés de la Théotokos, la mère de Dieu, aux côtés des anges et de la Croix. Les œuvres les plus remarquables pour cette période se trouvent au musée copte du Caire, et au couvent de Baouit, à Saqqara.

La troisième période, ici appelée " copto-arabe ", est caractérisée, selon l’auteur, par une communion totale entre les traditions (esthétiques) islamiques et coptes (p.108) ; du point de vue purement esthétique, l’influence byzantine nous paraît encore très forte. Pourtant, si la représentation du visage perdure, qu’il s’agisse du visage humain ou du visage divin, l’iconographie non figurée connaît un fort développement, notamment pour les bois sculptés. Les œuvres les plus séduisantes se trouvent dans le Vieux Caire, au couvent de Saint-Mercure du Caire et au couvent des Syriaques dans le Wadi al-Natroun. Une autre forme d’esthétique est parvenue jusqu’à nous : l’art du livre. L’auteur permettra à beaucoup de lecteurs de découvrir un superbe Évangéliaire qui se trouve à l’Institut Catholique de Paris (ils verront en particulier les photographies des pages 122-123 et 126-127). Quatrième et dernière époque, l’époque ottomane voit un certain ralentissement de la production. Avec un certain retard, semble-t-il, c’est l’influence arabe qui se manifeste dans le traitement des sujets, et l’on pourrait parler d’un art arabo-ottoman, plus naïf dans les formes. Les couvents et les églises livrent encore des représentations du Christ et de la Vierge, notamment au Caire. À partir du XVIe siècle, la production souffre d’un certain essoufflement.

Ceux qui veulent faire un beau cadeau à un ami qui s’intéresse à l’art, au christianisme ou à l’Égypte devraient penser à ce livre exceptionnel. Ils y trouveront de très belles photographies, avec des ciels toujours bleus planant sur des paysages superbes ; mais, assurément, ce sont les reproductions d’œuvres d’art qui l’emportent par la qualité, en particulier les peintures murales. En outre, des plans utiles et des dessins explicatifs accompagnent heureusement les commentaires. Le texte ne doit toutefois pas être négligé. Car l’histoire des Coptes montre que la force matérielle ne peut pas détruire les œuvres de l’esprit. Pas toujours, du moins, et heureusement.

Yann Le Bohec
( Mis en ligne le 24/12/2003 )
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