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Marcel Proust - L’arche et la colombe
de Mireille Naturel et Patricia Mante-Proust
Michel Lafon 2012 /  39.95 €- 261.67  ffr. / 190 pages
ISBN : 978-2-7499-1702-3
FORMAT : 29,3 cm × 34,2 cm

Invitation chez Marcel Proust

Pour les 90 ans de la disparition du romancier français sans doute le plus connu du XXe siècle, les éditions Michel Lafon publient un superbe ouvrage, très abondamment illustré, sur la vie de Marcel Proust. Une belle maquette : très grand format, papier glacé, belles reproductions photographiques. Une préface est donnée par l’arrière-petite nièce de Marcel Proust, et l’universitaire Mireille Naturel (Paris III-Sorbonne Nouvelle, secrétaire générale de la Société des amis de Marcel Proust) a mis en perspective de façon à la fois savante et plaisante la vie et l’œuvre de l'écrivain.

Le titre, riche d’interprétations, est un clin d’œil à la préface de la première œuvre de Proust, Les Plaisirs et les jours : «Dans la préface, Proust raconte qu’enfant il se lamentait sur le sort de Noé, resté enfermé dans l’arche pendant quarante jours. Malade, il dut lui aussi rester enfermé dans l’«arche» et comprit alors que, paradoxalement, c’était de là que l’on avait la meilleure vision du monde. Et telle la colombe de l’arche, sa mère sortait le matin et revenait le soir pour passer la nuit à ses côtés…» (p.10).

Six chapitres : ''Le Kaléidoscope d’une vie'', ''Portraits en mots et en images'', ''Les Plaisirs et les jours'', ''Sur la lecture'', ''Les Parfums, les couleurs et les sons se répondent'', ''L’Oeuvre-Robe''. Une bibliographie en appendice.

Une remarquable façon de découvrir Proust si on ne le connaît pas, de mieux le retrouver si l'on est un de ses lecteurs. Ouvrir le livre, c’est pénétrer dans son univers, identifier les paysages décrits, voir ses manuscrits sans cesse retravaillés, les «paperoles», mais aussi les lieux de la vie de Proust : l’intérieur de la maison de Tante Léonie, sa chambre ; c’est aussi retrouver la famille, la mère et la grand-mère qui ont tant compté, ses amis à des âges différents, avec tout le charme des photos anciennes, souvent posées ; des photos de classe à ses photos en soldat lors de son volontariat, photos avec ses amis souvent entrés eux aussi dans La Recherche.

Un chapitre entier est consacré aux ''Portraits en mots en images'' et le titre de ce chapitre résume bien le propos général : c’est bien un Proust en mots et en images que ce livre invite à rencontrer, des photographies instantanées, des dessins de Cocteau, de Jacques-Emile Blanche (et de celui-ci, le célébrissime portrait), souvent à la limite de la caricature, les magnifiques et terribles dernières images-dessins et photographies sur son lit de mort. Certes, une partie de ces images est connue mais ici elles sont offertes rassemblées, commentées par un texte intelligent, et accompagnées de citations extraites soit de l’œuvre de Proust, soit d’autres auteurs ou témoins de sa vie. L’un d’entre eux, Daniel Halévy, qui fut son ami depuis leur scolarité au lycée Condorcet, se souvient dans une émission diffusée en 1962 (peu de temps avant sa mort en février 1962) : «Il était si singulier… Il était bien l’un du lycée, mais il ne semblait pas qu’il fut tout à fait des nôtres. (…) Oui, nous tous, nous étions des garçons, lui était autre chose» (p.57).

«Autre chose», singularité de Proust, qu’en même temps ce livre nous donne à voir dans un décor qui est celui de la France du XIXe siècle, décor commun aux élites parisiennes auxquelles il appartient. Et c’est de ce décor, de cette société qu’il se nourrit pour donner la Recherche qui parle à ses contemporains et à nous encore aujourd’hui, et bien au-delà des seules frontières françaises, comme le rappelle Mireille Naturel qui avait en 2000 organisé un colloque à la Bibliothèque nationale de France : «La réception de Proust à l’étranger». Et la raison tient peut-être à cette phrase du Temps retrouvé : «Car ils ne seraient pas, selon moi, mes lecteurs, mais les propres lecteurs d’eux-mêmes, mon livre n’étant qu’une sorte de ces verres grossissants comme ceux que tendait à un acheteur l’opticien de Combray ; mon livre, grâce auquel je leur fournirai le moyen de lire en eux-mêmes» (p.174).

Un très beau livre tant sur la forme que sur le fond, qui nous fait plonger au cœur d’une époque révolue et d’un milieu disparu et qui, à ce titre, peut aussi intéresser tout lecteur curieux de la Belle Epoque, expression nostalgique forgée par les poilus dans les tranchées pour désigner une période idéalisée de paix. Mais aussi une façon de retrouver Proust dans son intimité, de mesurer une nouvelle fois les liens étroits entre l’œuvre et l’homme, de faire coïncider les images qui se lèvent en tout lecteur avec la réalité, bref un vrai plaisir de lecture. Et, cerise sur le gâteau, à la fin des appendices et des transcriptions, il y a même la recette des fameuses madeleines…

Marie-Paule Caire
( Mis en ligne le 19/10/2012 )
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