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L'Algérie antique - De Massinissa à saint Augustin
de Serge Lancel
Éditions Mengès 2003 /  59 €- 386.45  ffr. / 260 pages
ISBN : 2-85620-431-7
FORMAT : 28x33 cm

L’auteur du compte rendu: Yann Le Bohec enseigne l’histoire romaine à la Sorbonne. Il est l’auteur de plusieurs ouvrages adressés tant aux érudits qu’au grand public. En dernier lieu, il a publié L’armée romaine sous le Haut-Empire (Picard, 3e édit., 2002), César, chef de guerre (Éditions du Rocher, 2001), et Urbs. Rome de César à Commode (Le Temps, 2001).

L’Algérie dans l’Antiquité : du neuf ?

L’Algérie actuelle était, dans l’Antiquité, partagée en trois parties. L’Est était sous l’influence de Carthage, le centre correspondait au royaume de Numidie et l’Ouest à celui de Maurétanie. Les Romains ont à peu près respecté cette tripartition, en créant trois provinces, la Proconsulaire à l’est, qui s’étendait jusqu’à Carthage, la Numidie au centre et la Maurétanie Césarienne à l’ouest. Il pouvait donc paraître difficile d’isoler ces territoires de leurs voisins immédiats.

Serge Lancel a cependant réussi l’exploit de trouver un fil conducteur. Et pourtant, il n’a pas choisi la facilité, puisqu’il part de la Préhistoire pour aboutir à la conquête arabe. Il relève, dans les mentalités, les traditions, une certaine continuité qui donne tout son sens à sa quête, une relation entre Massinissa et saint Augustin. Il part de l’homo que les spécialistes appellent le sapiens sapiens et rappelle quelle importance eurent, durant la Préhistoire, le Sahara et l’Atlas, et en particulier le Tassili n’Ajjer, rendu célèbre par ses peintures murales. Il consacre ensuite de longs développements à la période des royaumes numides, une période très riche mais peu étudiée par les historiens. C’est dire que les pages 38 et suivantes apprendront beaucoup aux lecteurs même informés. Ils y retrouveront notamment, mais pas exclusivement, des monuments comme le célèbre Medracen, la non moins célèbre Souma du Khroub et le “Tombeau de la Chrétienne”.

Les humains ne vivant pas isolés, il était normal que ces royaumes aient subi des influences, surtout celles de Carthage, et donc qu’ils aient été plus ou moins punicisés. Les Romains arrivèrent ensuite et conquirent puis ordonnèrent ces territoires. Ils procédèrent comme d’habitude en se faisant précéder par des commerçants et des légions. Puis ils développèrent l’administration, aux niveaux provincial et municipal. Après quelques conflits armés, dont il ne faut pas exagérer l’importance, les habitants construisirent des villes nombreuses et belles, Lambèse, Timgad, Djemila, … Serge Lancel, qui connaît bien Tipasa, où il a fait des fouilles, nous en parle avec science et sympathie. Dans ces décors se créa une civilisation “romano-africaine”, avec ses caractères originaux et aussi beaucoup de traits qui se retrouvent de l’Atlantique à la Mésopotamie : architecture, décors de mosaïques, etc.

La vie religieuse occupait une grande place dans les esprits, et le culte de Saturne, qui recouvrait en réalité un Ba’al Hammon punico-berbère, domina le panthéon. La crise du IIIe siècle, qui secoua davantage les provinces de l’Europe et de l’Asie, en butte aux attaques des Germains et des Perses, ne fut pas ressentie avec force dans cette région. C’est au IVe siècle que se situèrent de nouvelles difficultés, qui tiraient leur origine de problèmes religieux. Les Africains, souvent très rigoristes dans ce domaine, refusèrent, au moins pour une partie d’entre eux, d’accorder leur pardon à ceux qui avaient failli pendant la persécution de Dioclétien. D’où un schisme, appelé le donatisme, du nom de son principal responsable, un certain Donatus. Et cette crise dura longtemps et fut durement ressentie. Il fallut toute l’autorité de Saint Augustin pour y mettre un terme. Le saint homme, auquel Serge Lancel a consacré un livre fondamental, était mourant quand se présentèrent devant sa ville les Vandales. Ces conquérants germains ouvrirent une nouvelle page de l’histoire. À leur tour ils furent chassés par la reconquête byzantine, à laquelle succéda l’Islam.

Les photographies, toujours très belles, mettent bien en valeur l’or des pierres et les couleurs des mosaïques. Un régal. Quant au texte, écrit avec élégance (l’auteur est Académicien), il se lit avec délice, et de quoi souhaiter une belle lecture. Que demander de plus en ces temps d’étrennes ?

Yann Le Bohec
( Mis en ligne le 08/12/2003 )
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