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Verreries d'Emile Gallé - De l'oeuvre unique à la série
de Valérie Thomas et Helen Bieri Thomson
Somogy 2004 /  30 €- 196.5  ffr. / 110 pages
ISBN : 2-85056-738-8
FORMAT : 26x29 cm

Catalogue d’une exposition se tenant au Musée de l’Ecole de Nancy du 12 mai au 15 août 2004 et à la Fondation Neumann à Gingins (Suisse) du 2 septembre au 12 décembre 2004.

Voir aussi : Florence Leroy, Emile Gallé et le verre. La collection du Musée de l'Ecole de Nancy, Somogy, mai 2004, 224p., 45€, ISBN : 2-85056-737-X.

L'auteur du compte rendu : Béatrice Brengues a une formation d'historienne de l'art, elle s'intéresse aux arts décoratifs du XXe siècle et poursuit des recherches sur le sculpteur Joachim Costa. Elle travaille parallèlement à Drouot chez un commissaire priseur.


L’édition du beau

Les commémorations du centenaire de la mort d’Emile Gallé donnent lieu à plusieurs expositions et au bourgeonnement soudain de publications sur le sujet, dont deux viennent de paraître chez Somogy. Le sous-titre de celui-ci De l’oeuvre unique à la série nous indique qu’il ne s’agit pas seulement d’un beau livre à feuilleter pour la féerie de ces fragiles oeuvres Art Nouveau mais d’une réflexion sur les conditions techniques, économiques et esthétiques de leur création.

Aucune archive commerciale n’a perduré pour permettre d’évaluer précisément le volume de pièces produites, mais il est certain que la vie d’Emile Gallé fut une véritable success story : quarante années de création, des centaines d’employés dans trois types d’atelier : ébénisterie, céramique, verrerie. Pour des questions de mode et de goût du public, il accentua ses recherches sur le verre alors plus porteur, recherches qui nourrirent le reste de sa création. Ses inventions sur les marqueteries de verres et les patines lui permirent d’ouvrir les perspectives d’un art nouveau. Portée par les courants théoriques qui s’intéressaient aux arts décoratifs comme un moyen de démocratisation du beau, sa production raffinée fut souvent distinguée de celles de le Sécession viennoise ou du Jugendstil, plus épurées, utilitaires et conçues de prime abord pour l’industrie. Chez Gallé, les séries sont les déclinaisons de chefs-d’oeuvre élaborés en pièces uniques puis adaptées à une mise en oeuvre plus modeste. C’est au propre comme au figuré un système de très beaux vases communicants. «La production courante doit compenser et permettre les lourds investissements de l’exceptionnel» (p.14), alors que celui-ci assure la réputation de la maison et sert de laboratoire d’idées.

Le choix même du sous-titre indique l’enjeu intellectuel de ce livre. Il est d’affirmer qu’il a existé très tôt en France un protagoniste de l’art appliqué à l’industrie, dans un processus de large diffusion. En effet, l’establishment culturel français a longtemps été réfractaire au concept «d’esthétique industrielle» et même de design, et l’on a préféré la valorisation de l’ouvrier d’art à celle de la machine prônée ailleurs par les acteurs de la Modernité. On montre ici que le renouvellement des arts décoratifs français a su se faire dès la fin du XIXe siècle malgré ses caractéristiques de luxe et de rareté dans une démarche économique familiale et à grande échelle. Notons toutefois que si la démarche sérielle est largement mise en avant, les pièces choisies dans les collections des musées sont toutes de grandes qualités et que les différences typologiques des oeuvres ne sont pas flagrantes.

L’ouvrage est construit en neuf petits chapitres et s’appuie sur des exemples concrets pour faire le tour d’un thème : le chapitre «Une pièce unique et ses déclinaisons» est illustré par le vase La soldanelle des Alpes, «Les petites séries » se base sur l’exemple de la coupe Libellules (photo de couverture) ou «Du vase à la lampe», sur le modèle Bouton d’iris. L’iconographie très réussie se glisse au fil du texte. Un glossaire technique aurait été le bienvenu pour clarifier les procédés de verreries qui différencient la qualité des pièces et qui sont à la base de cette étude. Privé de cela, on se sent un peu démuni : entre un verre double couche, décor gravé et martelé (ill. 48) et un verre soufflé, inclusions intercalaires, doublé, gravé à la roue (ill. 50), lequel doit-on préférer si l’on veut passer pour un esthète fin connaisseur ?!...

Béatrice Brengues
( Mis en ligne le 23/07/2004 )
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