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Fès Meknès
de Amina Aouchar , Jean-Michel Ruiz et Cécile Tréal
Flammarion - Patrimoine & civilisation 2005 /  60 €- 393  ffr. / 256 pages
ISBN : 2-08-010841-7
FORMAT : 25x32 cm

Voyage dans l’histoire tourmentée de Fès et Meknès

Pourquoi les éditions Flammarion ont-elles choisi d’évoquer conjointement les villes de Fès et Meknès ? Après la lecture de l’ouvrage d’Amina Aouchar, Cécile Tréal et Jean-Michel Ruiz, la réponse apparaît évidente.

D’une part ces deux villes sont proches l’une de l’autre puisqu’elles ne sont séparées que par une soixantaine de kilomètres. Elles sont situées au cœur d’un même espace, la «haute plaine du Saïs encastrée entre les monts du Rif au nord et la chaîne de l’Atlas au Sud» (p.6), qui abritait également la Volubilis romaine. Toutes les deux bordent des oueds descendant de l’Atlas. D’autre part ces deux villes, si proches, sont liées par une histoire commune. Fès est fondée par les Idrissides, descendants du prophète réfugiés au Maghreb, à la fin du VIIIe siècle. Meknès est fondée à l’ouest de Fès, un siècle plus tard, par les Berbères zénètes.

Suivent pour ces deux villes des périodes contrastées. Aux Xe et XIe siècles, Fès est l’un des centres culturels et religieux les plus brillants de l’Occident arabo-berbère. Pourtant, les Almoravides puis les Almohades, conquérant berbères venus du Sud qui édifient entre les XIe et XIIIe siècles de puissants empires, préfèrent installer leur capitale à Marrakech, plus au Sud. Fès redevient le siège du pouvoir sous les Mérinides à partir du XIIIe siècle. Meknès, longtemps dépendante, subordonnée à sa glorieuse voisine, «ne sort de l’ombre qu’au XVIIe siècle, sous les Alaouites». (p.7) Mais par la suite, le pouvoir se déplace vers la côte, vers Rabat et Casablanca, et les deux villes tombent, à en croire l’auteur, dans une certaine léthargie, avant de renaître dans les dernières décennies du XXe siècles : capitales régionales, ces deux cités impériales sont aussi devenues des centres touristiques importants.

Ce préambule donne le ton du livre d’Amina Aouchar, universitaire marocaine. L’histoire de ces deux villes constitue le cœur de son propos, comme le prouve l’organisation de l’ouvrage en quatre chapitres intitulés successivement : «Des origines au XIIIe siècle», «Fès et Meknès mérinides», «Fès et Meknès sous les Saadiens et les Alaouites», «L’époque contemporaine». Point de grande originalité, mais un texte dense, précis et technique. Celui qui n’est pas familier de l’histoire – particulièrement tourmentée - du Maghreb devra faire preuve d’une attention et d’une concentration extrême, pour ne pas perdre le fil du propos. Toutefois, abondamment doté de notes explicatives (hélas situées à la fin de l’ouvrage), l’ouvrage ne fait appel à aucun pré requis historiographique et pourra donc tenter un large public. Ajoutons, que l’auteur a pris soin d’accompagner son texte de précieuses cartes et de schémas clairs et graphiquement très réussis qui contribuent grandement à éclairer le propos.

Les photographies occupent une place beaucoup plus importante que le texte lui-même, mais lui demeurent subordonnées dans la mesure où il s’agit toujours d’illustrer le propos, de montrer les vestiges actuels de empires disparus, évoqués par Amina Aouchar. Souvent très beaux, ces clichés semblent parfois répétitifs. C’est notamment le cas de ceux présentant des intérieurs de maisons ou de palais : le regard néophyte qui ne prendrait pas la peine de lire le texte dans son intégralité risque de n’y voir qu’une succession de cours, de fontaines, de somptueux décors de céramiques ou de bois sculptés semblables les uns aux autres.

Ce même lecteur pressé, tenté de survoler les explications très précises de l’auteur et de sauter quelques paragraphes, risque également de s’égarer entre les lignes consacrées à Fès et celles concernant Meknès, mais en vérité, il n’est pas facile de traiter de front l’histoire de ceux villes, fussent-elles voisines.

En définitive un double usage peut être fait de cet ouvrage : conçu comme un beau livre de photographies, qui risque cependant de lasser assez vite ; il peut également être pris pour ce qu’il est : un vrai livre d’histoire, richement illustré, dont la lecture nécessite un indéniable effort.

Raphaël Muller
( Mis en ligne le 23/05/2005 )
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