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Lautrec, l'enchaîné
de Bernard Fillaire
Noêsis 2001 /  31.05 €- 203.38  ffr. / 127 pages
ISBN : 2911606515

On achève bien les peintres

D'Artaud à Van Gogh en passant par Nerval, Maupassant et tant d'autres, il y aurait une "histoire de l'artiste interné" à écrire. Le séjour d'Henri de Toulouse-Lautrec à la clinique Saint-James de Neuilly, de début mars à la mi-mai 1899, en constituerait certainement un chapitre de choix. C'est ce chapitre qu'évoque Bernard Fillaire dans ce bel album, sans jamais laisser l'anecdote prendre le pas sur ce qui fut au coeur de la vie de l'artiste : la peinture.

Interné contre son consentement à la suite d'une violente crise de delirium tremens, Lautrec - tout comme ses geôliers - allait vite comprendre que l'acte de peindre était le seul qui lui permettrait, d'abord de rester en vie, ensuite de gagner la liberté. Encouragé par le personnel de la clinique (un établissement haut de gamme spécialisé dans les "petits mentaux" : écrivains, artistes, créateurs tourmentés), il produit de mémoire une série de dessins et de tableaux autour d'un thème obsédant : le cirque. Dans un monde terrassé par la folie, les feux de la rampe et la piste aux étoiles lui tiennent lieu de paradis perdu. Mais les gradins de ce théâtre intime sont à jamais désertés et, bientôt, l'alchimie du trait et de la couleur cède le pas à une sorte de réflexe mécanique. Entré à Saint-James fou (peut-être) mais génial (à coup sûr), Lautrec quitte la clinique, le 19 mai, vidé de toute substance. L'autorisation de sortie signée par les médecins équivaut à un arrêt de mort. Interdit de capitale, le peintre se réfugie à Albi, à Bordeaux, à la recherche du déclic qui remettrait en branle la machine créatrice. Las ! Ni l'alcool, ni la musique, ni les femmes ne le sortent de sa torpeur. Il s'éteint en septembre 1901, laissant derrière lui cet "oeuvre au noir" que sont les carnets de Saint-James.

Une belle et sobre évocation de cette déchéance, qui est aussi un pari littéraire. On regrettera seulement les nombreuses coquilles dont ce "beau livre" est entaché. Pauvre Antonin Art(h)aud !

Pierre Brévignon
( Mis en ligne le 07/12/2001 )
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