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Atlas de botanique parfumée
de Jean-Claude Ellena
Arthaud 2020 /  25 €- 163.75  ffr. / 167 pages
ISBN : 978-2-08-148914-1
FORMAT : 19,3 cm × 26,8 cm

Karin Doering-Froger (Illustrateur)

Ellena a le nez

Bois, écorces, fleurs, résines, racines, graines, fruits et feuilles participent d'une fascinante machination, faisant d'odeurs... des parfums, créations de génies à leur écoute. Ainsi, tout relève de la synesthésie dans un parfum qui coud ensemble nature et culture, espace et temps, le réel et son évocation fantasmatique, des odeurs et des mots. En italien, est-il rappelé dans le présent ouvrage, entendre se dit sentire...

Encore faut-il compter sur un couturier de talent pour magnifier ces correspondances, associer les pièces d'un puzzle olfactif réussi - on les appelles les facettes d'un parfum. Cet artisan/artiste s'appelle... un nez. Jean-Claude Ellena est l'un d'eux, et l'un des meilleurs : la plupart des parfums Hermès, maison dans laquelle il a assuré la direction de Création Olfactive pendant près de 15 ans, tous ces Jardins, sur le Nil, en Méditerranée, après la Mousson ou sur le Toit, le tout aussi célèbre Terre d'Hermès, Kelly Callèche, mais aussi First (Van Cleef & Arpels), ou, encore, de superbes créations aux éditions de parfums Frédéric Malle - Angéliques sous la Pluie, Cologne Bigarade, L'Eau d'Hiver, etc... C'est à lui qu'on les doit.

Il était donc l'auteur tout désigné d'un Atlas comme celui proposé récemment par les éditions Arthaud, et qui, par origine - les bois, les fleurs, les graines, les feuilles donc - présente et répertorie ces essences. Un Atlas qui à la géographie ajoute la biologie, la botanique, la chimie et même l'économie et l'histoire, celle de la parfumerie (ses hauts-lieux - Grasse - et ses grands noms - la famille Guerlain, les nez célèbres, Paul Parquet, Ernest Beaux, Edmond Roudnitska, le chef épicier Olivier Roellinger) et de ses usages ; celle plus intime d'un parfumeur qui signale ses goûts, pour les odeurs verticales plutôt que les horizontales (on comprend, à la lecture, ce qu'il entend par-là), pour le "secret des herbes, des plantes ou des arbustes" plutôt que pour les fleurs.

Ces senteurs sont bien entendu évoquées aussi par le travail du nez - toute une autobiographie olfactive se déploie d'un chapitre à l'autre - et par les grands parfums qui les portent : le santal avec Samsara (Guerlain), le cèdre de Virginie dans Terre d'Hermès, l’absinthe dans Habit Rouge (Guerlain), le basilic dans Eau Sauvage (Dior), la tubéreuse dans Poison (Dior), l'ambrette dans Egoïste (Chanel) ou encore la noix Muscade, le girofle, la cannelle et la vanille dans Opium (Yves Saint Laurent). On apprend aussi que l'ambre n'a rien à voir avec le fossile : il s'agit de la combinaison de vanilline et de labdanum, ce dernier mettant en valeur la première ; et que l'alcool phényléthylique permet de recréer miraculeusement toute une variété de parfums de rose, lilas, muguet ou pivoine...

L'ouvrage, un bel objet en soi (solide couverture cartonnée, papier épais) ajoute au texte de l'auteur quelques citations de poètes et écrivains célèbres, et les superbes illustrations colorées et graphiques de Karin Doering-Froger, mêlant les fleurs et les racines, les feuilles et les branches aux formes de flacons devenus iconiques.

Bref, un excellent assemblage auquel ne manque... qu'un parfum.

Samantha Cluzet
( Mis en ligne le 22/01/2021 )
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