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Pocheset Littérature  

Les Aventures miraculeuses de Pomponius Flatus
de Eduardo Mendoza
Seuil - Points 2010 /  6 €- 39.3  ffr. / 217 pages
ISBN : 978-2-02-098263-4978-2-7578-1766
FORMAT : 11cm x 18cm

Première publication en mars 2009 (Seuil)

Traduction de François Maspero


Détournement évangélique?

Pomponius Flatus, philosophe… avec un nom comme celui-là, est-il seulement besoin de décrire le héros du dernier roman de l’écrivain espagnol Eduardo Mendoza (Le Labyrinthe aux olives, Une comédie légère, Sans nouvelles de Gurb…) ? L’intrigue, au rebours de La Dernière tentation du Christ, se situe en Palestine romaine, premier siècle de notre ère. Parti en quête d’eaux miraculeuses, Pomponius Flatus se trouve entraîné dans une sombre affaire de meurtre, qui prend place dans un petit village. Un artisan local ayant assassiné un notable romain, Epulon, le procès et la condamnation s’imposent au gouverneur romain Appius Pulcher… Mais le fils de l’artisan, bien convaincu de l’innocence paternelle, ne l’entend pas de cette oreille et fait appel au philosophe pour rétablir la vérité…

Intrigue banale ? Crime à l’antique ? Sauf que l’on est à Nazareth, que le père en question s’appelle Joseph, et que son agaçant descendant se nomme Jésus… Alors forcément, l’intrigue policière sur fond d’occupation romaine, au classicisme tout antique, vire à l’iconoclasme… De fait, l’enfance du Christ est un mystère, à peine évoqué (sauf dans les Évangiles apocryphes) et donc il fallait bien qu’un auteur s’attaque à la question. Mendoza le fait avec son humour habituel. Dès la première page, le style – une dissertation sur la diarrhée, sur le modèle des prologues antiques – pose l’ouvrage : parodique et gentiment scabreux.

Et bien sûr, Mendoza exploite son filon et ne se prive pas de faire apparaître, outre ses héros, quelques guest stars évangéliques (Zacharie, Lazare, pas encore mort mais guère ressuscitable, Jean, Judas… déjà mal parti dans la vie). De même, il truffe son texte de passages tirés des Évangiles (d’un «Lève toi, Pomponius !» aux accents miraculaires, jusqu’au «Ecce Homo», inévitable !) et de références (Jésus propose 20 deniers à Pomponius pour l’engager : à 10 près, cela devenait douteux). La lecture est, à cet égard, assez jubilatoire, un beau cas de détournement !

Mais c’est surtout le face-à-face entre le philosophe empêtré dans sa philosophie et un jeune Jésus péremptoire et mystérieux qui vaut le détour. L’auteur sait, discrètement, parodier la parole évangélique en faisant tenir à l’enfant des propos à la fois hermétiques et vagues, bien propres à décontenancer un Pomponius un peu pédant et prompt au débat philosophique. Toutefois, si Jésus nomme Pomponius «abbounni» (diminutif sympathique de rabbi, maître), c’est bien pour éclairer une relation d’affection : entre le philosophe naturaliste aristotélicien et le futur messie se tisse un dialogue qui est celui du christianisme et de la philosophie antique.

Une comédie légère donc, gentiment parodique, non pas faite pour choquer les consciences, mais pour amuser et donner à penser.

Gilles Ferragu
( Mis en ligne le 07/06/2010 )
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