L'actualité du livre
Pocheset Littérature  

Le Premier mot
de Vassilis Alexakis
Gallimard - Folio 2012 /  7,30 €- 47.82  ffr. / 381 pages
ISBN : 978-2-234-06097-5
FORMAT : 11cmx18cm

Première publication en août 2010 (Stock)

Le langage

Quand le langage a-t-il commencé ? Qui a prononcé le premier mot ? L’auteur présente ainsi l’objet de son livre et rejoint les nombreux écrivains s’étant penchés sur la question depuis des siècles. Dante notait déjà que dans la genèse Ève fut la première à parler lorsqu’elle dialogua avec le serpent ; Leibniz était fasciné par la richesse et la pluralité des langues ; Umberto Eco a beaucoup réfléchi sur la sémiotique ; Platon attribuait les mots à un mystérieux législateur d’ordre divin ; au XIXe siècle, des linguistes avaient trouvé une correspondance entre les paradigmes du verbe ''être'' en sanscrit, grec, latin, persan et allemand... Cette attirance pour comprendre ce qui apparaît comme miraculeux fait partie de la recherche de l’homme sur ses origines, qu’elles soient physiques ou verbales.

Ce roman, puisque c’est avant tout un roman, se décompose en deux parties égales : la mort de Miltiadis, professeur de littérature comparée à Paris, et la promesse de sa sœur de trouver pour lui «le premier mot». La première partie, au style impeccable, raconte une vie avec ses déboires et ses joies, campe une famille avec ses petitesses et ses grandeurs et décrit minutieusement l’agonie de cet homme adoré par sa sœur. On découvre tout au long de cette partie le goût de Miltiadis pour les langues et leur étude comparative, les mots sont décortiqués, soupesés, analysés au milieu de leurs semblables étrangers et des conclusions en sont tirées, scientifiques ou simplement conjecturelles.

La deuxième partie s’apparente plutôt à une recherche entreprise gauchement par quelqu’un de non familier de ce domaine si particulier. Comment faire ? Les différentes personnes qui ont croisé Miltiadis et sa passion vont devenir les principaux interlocuteurs de cette sœur animée d’une belle volonté mais déroutée par l’ampleur du sujet. Elle explore l’univers des sourds et du langage des signes, celui des chimpanzés ainsi que celui de Darwin, l’évolution du vocabulaire et son usure, la langue indo-européenne qui serait à l’origine de toutes les autres ; elle prend conscience de la «castration phonétique» que représente l’apprentissage de la langue maternelle puisqu’en apprenant un idiome on désapprend tous les autres ainsi que la possibilité d’articuler leurs sons ; elle s’intéresse à la prépondérance de l’hémisphère gauche du cerveau pour les sons articulés alors que les cris doivent leur existence à l’hémisphère droit… Et tant d’autres sujets tous intéressants. Beaucoup de langues ou de dialectes sont abordés à travers certains mots simples comme «feu» «bruit» ou «papillon», et le comparatif est instructif.

L’ensemble ressemble à un pèle-mêle de réflexions cultivées et souvent pertinentes, que Vassilis Alexakis a cherché à rendre moins ardu en l’entremêlant d’un roman dont l’intérêt, en fait, passe au second plan. Dans la deuxième partie, suivant la mort de Miltiadis, il poursuit «la vie» du personnage en le faisant dialoguer avec sa sœur chaque fois qu’elle a des doutes sur le but à atteindre, ce qui renforce l’idée d’un livre sur l’interrogation spirituelle de l’homme, sur sa quête d’explication de l’existence et de tout ce qui en découle, entre autres : le langage.

Dany Venayre
( Mis en ligne le 24/02/2012 )
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