L'actualité du livre
Pocheset Littérature  

Interdit
de Karine Tuil
Le Livre de Poche 2012 /  5.60 €- 36.68  ffr. / 139 pages
ISBN : 978-2-253-13337-7
FORMAT : 11,1 cm × 18,0 cm

Première publication en 2001 (Plon)

Humour juif

Parallèlement à la publication de son dernier roman (Six mois, six jours), les éditions Grasset rééditaient en 2011 l'un des premiers romans de Karine Tuil, initialement paru chez Plon en 2001. Interdit, aujourd'hui disponible en format de poche, est une fable illustrant en mode ''humour juif'' une terrible crise identitaire.

Celle de Saül Weissmann, septuagénaire, survivant des camps, exilé en Amérique, qui, à l'occasion de son retour en France et de ses futures épousailles avec Simone, apprend d'un jeune rabbin l'impensable : il n'est pas juif ! La faute à sa mère, évidemment.

La nouvelle est rude. Un mauvais coup en entraînant un autre, Simone Dubuisson, juive elle, malgré le patronyme (changé à la Libération), quitte alors Saül, incapable, malgré son désir d'un mariage et d'enfants, d'épouser un goy ! Pire encore, fraîchement ''déjudaïsé'', Saül sent se jouer en ses tréfonds un combat effroyable, celui du juif et du non-juif en lui... pouvant aller jusqu'au meurtre !... Suicide ? Non ! Simplement un complot juif contre le non-juif qu'il est devenu malgré lui. Bigre ! Il ira jusqu'à consulter un psychanalyste et un marabout pour l'exorciser de cet encombrant :

"- Vous me demandez de déraciner un arbre vieux de plus de cinq mille ans.
- Je me fous de l'écologie ! Qu'on l'abatte !"


Les 180 pages de ce court roman sont de cet acabit : délicieusement absurdes, drôles et grinçantes. Une manière juive, dit-on, de se moquer des juifs et du monde, en démontrant par l'absurde ce qu'ont d'absurde les diktats, postulats et postures identitaires. La fin, en l'occurrence, est magistrale, quand Saül, pétrifié par le flash-back qu'elle provoque, reçoit la visite de deux policiers français. On n'en dira pas plus.

Court, amusant, facile aussi. Car en mettant les pas sur ceux d'illustres prédécesseurs (Saul Bellow, Isaac Bashevis Singer), Karine Tuil illustre et rend hommage plus qu'elle n'innove, entre fable ashkénaze et humour juif new-yorkais. Dans un genre analogue, on recommande fortement les tribulations récentes d'auteurs américains tels que A.J. Jacobs (L'Année où j'ai vécu selon la Bible) ou Shalom Auslander (La Lamentation du prépuce et Attention, dieu méchant).

Thomas Roman
( Mis en ligne le 10/12/2012 )
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