L'actualité du livre
Pocheset Littérature  

Sunset Park
de Paul Auster
Actes Sud - Babel 2013 /  8.70 €- 56.99  ffr. / 336 pages
ISBN : 978-2-330-01863-4
FORMAT : 11,0 cm × 17,8 cm

Première publication française en septembre 2011 (Actes Sud)

Pierre Furlan (Traducteur)


Brooklyn Madness

Derrière le lieu éponyme, c'est l'Amérique qui se lève ensommeillée. Une adresse, à Brooklyn, où, dans une bicoque improbable, quatre colocataires squattent. Ils seraient des ''bobos'' s'ils en avaient les moyens. Mais dans l'Amérique de la crise, ces jeunes intellos et artistes survivent avant tout. Bing, ''geeck'' ursin, réparateur d'objets vieillots, rafistole de petits bouts d'une certaine Atlantide, le pays de ses parents, celui du baby-boom, du plein emploi, de la consommation de masse ; Alice, jeune thésarde historienne, engagée au PEN club et fascinée par Les Plus belles années de notre vie, le film de William Wyler. Une autre nostalgie d'une certaine Atlantide. Helen ensuite, artiste torturée, aux fantasmes et l'appétit sexuels élaborés. Et Miles enfin, Miles Heller, dernier arrivé dans cette étrange fraternité.

Il est, en quelque sorte, le personnage principal de ce roman choral. Brillant étudiant, fils d'un éditeur indépendant et d'une actrice en vogue, il a sacrifié sa vie avec un accident, un geste en trop qui provoqua la mort de son demi-frère, et son départ de l'université, son départ de chez lui aussi, pour une longue fuite de plus de huit ans. Sunset Park serait alors le récit de son retour au monde et à la vie, au contact tout d'abord de la jeune Pilar, adolescente rencontrée à Miami, aimée tout de suite malgré son - trop - jeune âge, les atomes crochus lotis dans les lignes d'un roman qu'ils aiment tous les deux : Gatsby le magnifique. Un amour interdit dont le souffre contraint Miles à fuir Miami et retourner à New York. Sunset Park, et caetera...

Un livre sur le retour au monde et la contemplation des choses perdues, les êtres proches et disparus, les souvenirs chers, le temps qui passe et casse... Qui casse les objets - que Bing répare, que Miles, au début du roman, évacue des maisons abandonnées dans l'ouragan des ''subprimes'' - et les hommes.

Le tableau est donc doux et amer, un mélange de tristesse et de mélancolie infusant un bouillon littéraire dense et corsé. Un monde s'en va, qui ressemblerait à celui des années fastes de la maison d'édition du père de Miles. Il est surtout sublime, finement dit, écrit - et traduit. Une pépite austérienne à aller débusquer sur les rayons des librairies. Un roman de plus mais surtout pas de trop, indispensable même, pour parler de nous tous à travers l'Amérique et ses contrastes.

Thomas Roman
( Mis en ligne le 15/05/2013 )
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