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Pocheset Littérature  

Mauvaise pente
de Keith Ridgway
10/18 - Domaine étranger 2009 /  7,90 €- 51.75  ffr. / 384 pages
ISBN : 978-2-264-04681-9
FORMAT : 11,0cm x 18,0cm

Première publication en septembre 2001 (Phébus).

Traduction de Philippe Gerval.

Prix Fémina Étranger 2001.


Un pas de plus au bord de l'abîme

Une minute d’inattention peut-elle suffire à transformer une vie en enfer ? Ce soir-là, Quinn est ivre, comme chaque jour depuis cette après-midi maudite où sa femme n’a pas vu sombrer dans la mare leur fils de trois ans. Cette fois-ci, c’est son tour de plonger dans l’horreur devant le corps de cette petite fille qu’il vient de faucher.

Un faux pas de trop, qui aura suffi à bouleverser le cours d’une vie désormais marquée du sceau d’une culpabilité sournoise. Incapable de surmonter son forfait, comme du reste la négligence passée de Grace, Quinn s’embourbe plus que jamais dans son vice et détruit l’existence des siens, poussant Martin, son cadet, à fuir ce huis-clos pathétique en avouant au passage son homosexualité. Fatalité ou désir d’en finir avec cette violence quotidienne ? Quelques années plus tard, Grace s’enfonce sciemment dans les mêmes tourments, assassinant son mari d’un coup de volant trop brusque à l’endroit même de l’accident passé.

Dans ce roman marqué par le clivage entre une Irlande rurale, ployant sous le poids de ses traditions et le Dublin actuel qui s’ouvre à la modernité, Grace cherche sa place au milieu des amis de son fils, en quête d’une dignité bafouée dès l’origine, qu’elle ne recouvrera sans doute que dans l’aveu. Mais en arrière-plan se joue le drame, véridique celui-ci, d’une jeune fille de quatorze ans qui, enceinte à la suite d’un viol, demande à quitter l’Irlande pour se faire avorter. Le verdict du tribunal, implacable, interdit à l’adolescente de tirer un trait sur cette histoire sordide. Le fait divers tombe entre les mains de la presse qui se déchire sur le sujet au même titre que le public. Dès lors, Grace est dos au mur : faut-il avouer ou se taire ? Délester sa conscience d’un fardeau trop lourd au risque de tout perdre ? Deux perspectives pour une vie en berne, qui agissent en elle avec une égale violence : "Comme il était facile de tout perdre ! Un muscle qui s'emballait et un revers du poignet. Un pas de plus au bord de l'abîme. Cela arrivait tout le temps à un tas de gens. Ils avaient le vertige et ils sautaient."

Né en 1966, Keith Ridgway dévoile avec ce premier roman (paru en 2001) son aptitude à percer les tourments de l’âme humaine et à en rendre compte dans une intrigue alerte au style limpide. Bouleversant, ce portrait d’une femme perdue, oscillant entre mensonge et morale, joue la carte de l’ambiguïté avec une grande finesse. Donnant à voir des personnages malmenés par la vie à qui il donne une réelle épaisseur, Keith Ridgway témoigne de qualités similaires à celles d’un Colum McCann - qui salua ce récit prometteur - et s’inscrit en toute légitimité dans la génération montante de la littérature irlandaise.

Jeanne de Ménibus
( Mis en ligne le 16/03/2009 )
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