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Pocheset Littérature  

Sombre dimanche
de Alice Zeniter
Le Livre de Poche 2015 /  6.90 €- 45.2  ffr. / 254 pages
ISBN : 978-2-253-02037-0
FORMAT : 11,0 cm × 18,0 cm

Première publication en janvier 2013 (Albin Michel)

J’étais un éléphant, pauvre et faible

Alice Zeniter nous offre le récit d’une famille hongroise, qui, de la fin de la Guerre à l’éveil désordonné d’une Hongrie post-communiste, est ballotée dans une histoire construite au bord des voies de chemin de fer.

Imre Mandy vit dans une «petite maison de bois», une maison de famille construite hier dans un «paradis marécageux» et, aujourd’hui, au milieu des rails. Le jardin est le théâtre des objets que les passagers des trains, qui longent la maison, jettent par les fenêtres, ignorant qu’ils nourrissent ainsi l’imagination un peu triste d’un jeune garçon qui a grandi dans l’atmosphère d’un régime vieillissant.

Trois générations et leurs secrets cohabitent sous le même toit. Le grand-père traîne sa jambe morte dans un jardin qu’il ne cesse pas de ratisser. Le père d’Imre, «fils de sa mère et de la tristesse», délaisse sa vie comme lui-même a été délaissé, réfugié dans le souvenir de celle qui l’a peut-être trop aimé. Leur malheur, est-ce Staline, les Russes ? Ou d’autres peut-être ? Et Imre ? Il grandit partagé entre la mélancolie familiale et les aspirations d’une jeunesse hongroise, prête à donner les derniers coups à un régime communiste à l’agonie. Avec son ami Zsolt, il rêve d’amours californiennes, de Queen et de Marylin Monroe. Mais ses premiers pas dans la nouvelle Hongrie se feront à la lumière d’un sex-shop et au bras d’une pin-up en carton.

Mêlant récit familial et histoire nationale, Alice Zeniter donne à lire un roman étonnant et beau, où l’intime se marie au destin d’une nation. Au fil des pages, ce n’est pas seulement l’histoire de la famille Mandy mais celle d’un pays tout entier qui n’est sauvé des soubresauts qui l’agitent et de la violence qui l’habite que par le regard absurde que ses habitants portent sur lui et sur eux-mêmes. La mort même revêt des habits ridicules, violents et douloureux, à l’image de Sara qui se suicide d’un poireau enfoncé dans sa gorge.
Et l’espoir ? Celui qui naît en 1989. Celui qui naît sur l’herbe de l’île Marguerite lorsque le jeune Imre rencontre celle qui sera son «Ouest doré». Il n’échappera pas au destin d’un pays «qui n’a pas de bonheur pour nous».

Il ne reste alors que le bonheur du lecteur, emporté par cette épopée hongroise ordinaire et la poésie d’Alice Zeniter.

Grégory Prémon
( Mis en ligne le 27/02/2015 )
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