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Pocheset Littérature  

La Merditude des choses
de Dimitri Verhulst
10/18 2013 /  7,50 €- 49.13  ffr. / 215 pages
ISBN : 978-2-264-05730-3
FORMAT : 11,0 cm × 17,8 cm

Danielle Losman (Traducteur)

Les gens du Nord

Il y a énormément de tendresse dans la verdeur des Verlhust, une humanité flamboyante, et confite dans l'alcool, des pintes, des pintes et des pintes d'alcool...

Une smala attachante et impossible, poignée de frères soulards sous le toit d'une grand-mère qui en a vue de vertes et de pas mures, aficionados des troquets, Bidochon sympathiques experts en chansons paillardes (dont une, iconique et redondante, sur une certaine chatte mouillée sans la pluie), delirium tremens et autres pitreries d'estaminets. Quand un jeune flic, mandaté pour la blague par ses aînés à képis, débarque chez les Verhulst pour annoncer à la maman l'état minable dans lequel s'est mis une fois encore l'un de ses fils, Madame ouvre à peine la porte et reproche au bleu, blasée, de lui déblatérer tout ce latin !...

"Treize ans. J'avais treize ans et je vivais avec mon père et mes oncles et leur vieille mère à Reetveerdegem, un village oublié par les grands cartographes, un trou perdu et moche, patrie de la colombophilie et du crachin" (p.99).

De la crasse et du houblon. Biotope particulier où poussa notre narrateur qui, malgré les placements dans plusieurs familles d'accueil (sa mère, honnie, est une putain notoire), garde un lien indélébile avec les siens et cette époque. Il est le cultureux de la tribu, celui qui réussit à s'extirper de la pesante moiteur de cet écosystème, où l'on s'invente un Tour de France en slip et force bières, où la Tourtel est vue comme invention du Malin, où le versant lumineux de la laideur des choses est leur splendide authenticité, où le père, malgré une désintoxication hélas trop tardive, s'est éteint face à la mer du Nord.

Dimitri Verhulst, superbement traduit du néerlandais par Danielle Losman, parle remarquablement des siens, sans pitié mais sans aigreur non plus, atome affolé par les forces centrifuges, centripètes, jouant entre eux et le reste du monde. Adaptée au théâtre puis au cinéma, cette modeste pépite de la littérature européenne mérite qu'on s'y arrête, sorte d'Assommoir flamand des temps modernes, disant mieux qu'ailleurs la condition des gens de peu, avec lucidité, humour et tendresse.

Thomas Roman
( Mis en ligne le 11/03/2013 )
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