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Pocheset Littérature  

Une fille bien
de Holly Goddard Jones
Le Livre de Poche 2015 /  7.60 €- 49.78  ffr. / 408 pages
ISBN :  978-2-253-02039-4
FORMAT : 11,0 cm × 18,0 cm

Première publication française en mars 2013 (Albin Michel - Terres d'Amérique)

Hélène Fournier (Traducteur)


Solitudes

La nouvelle qui ouvre le recueil d'Holly Goddard Jones et lui offre son titre donne immédiatement le ton. Dans «Une fille bien», Jacob, un veuf d'âge mûr, vit dans le souvenir de Nora, sa défunte épouse, et subit impuissant la violence de leur fils Tommy qu'il ne cherche même plus à contrôler. Quand Helen apparaît dans sa vie et imagine un avenir commun, il ne peut se résoudre à franchir le pas et poser un acte décisif.

Le choix peut-être salvateur qu'une force invisible empêche de faire et les conséquences de la perte d'un être cher sont des thèmes récurrents dans ces récits souvent tragiques où, malgré leurs failles et leurs faiblesses, des personnages malmenés par la vie font preuve d'une dignité profondément touchante. Libby, que son mari Stephen a quittée et abandonnée avec leurs deux garçons et qui pourtant a toujours cherché des excuses à l'inexcusable («Rétrospective») ; Robbie, un colosse fruste au cœur tendre, prêt à tout pour garder auprès de lui Tina qu'il adore mais dont les rêves d'avenir ne l'incluent pas («Un homme droit») ; ou encore Theo, marié et père d'une petite Mica, atteinte de mucoviscidose, que sa relation adultère avec une très jeune fille entraîne dans une situation inextricable («Espérance de vie»).

Les huit histoires ont pour décor Roma, une petite ville «insignifiante» du Kentucky, état dont est originaire Holly Goddard Jones. Toutes frappent par leur réalisme percutant et leur douloureuse justesse. Pas de jugements de valeur imposés ou de frontière clairement définie entre le bien et le mal. La jeune nouvelliste américaine laisse au lecteur la possibilité d'interpréter à sa guise les errements mineurs ou majeurs de ses personnages. Dans «Pièces détachées» et «Des preuves de l'existence de Dieu», deux nouvelles qui se font écho, elle met tout d'abord en scène des parents dévastés par le meurtre de leur fille puis se penche sur l'implacable mécanisme qui transforme un jeune garçon en meurtrier. Un engrenage infernal dans lequel Simon se retrouve pris au piège car il ne peut pas vivre sereinement sa sexualité au sein d'une communauté homophobe. «Il sortit son portable de sa poche et ouvrit le clapet, l'écran brillant comme un signal de détresse dans cette obscurité si profonde. Il composa le numéro de son père et attendit en pensant, comme il le faisait toujours quand le désespoir cherchait à le gagner, au contact de Marty ce soir-là : la chaleur de sa joue mouillée, la seule preuve dont Simon ait jamais eu besoin, la seule force supérieure».

La thèse de Descartes ne convainc donc pas du tout Simon ! Si dans ce cas, Holly Goddard Jones se contente d'allusions, elle se déchaîne totalement avec l'excellente «Allégorie de la caverne», nouvelle dans laquelle la caverne de Platon devient un club de strip-tease où un père emmène son fils adolescent menacé de cécité afin qu'il y contemple des ombres bien particulières ! La leçon de choses ne dure pas longtemps mais l'impact sur Ben est foudroyant.

Holly Goddard Jones décrit à merveille ces moments où la vie bascule et décrypte subtilement la trompeuse simplicité d'un quotidien sans éclat.

Florence Bee
( Mis en ligne le 24/03/2015 )
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