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Pocheset Littérature  

La Nostalgie heureuse
de Amélie Nothomb
Le Livre de Poche 2013 /  6.10 €- 39.96  ffr. / 150 pages
ISBN : 978-2-253-02041-7
FORMAT : 11,0 cm × 17,5 cm

Première publication en août 2013 (Albin Michel)

Trop vite, trop loin

Le 27 mars 2012, Amélie Nothomb partait, avec une équipe de tournage, pour retrouver le Japon, son Japon, celui qu’elle avait quitté depuis 1989, après y avoir vécu son enfance et une esquisse de vie professionnelle. Des retrouvailles donc, sous l’objectif d’une caméra… mais des retrouvailles émouvantes, avec sa vieille nourrice, celle de Métaphysique des tubes, ainsi qu’avec un ancien amoureux, celui de Ni d’Eve, ni d’Adam.

L’auteur serait-elle déjà parvenue à l’âge où l’on revisite son œuvre et son passé ? C’est en tous les cas l’occasion d’un retour au pays natal, frappé, depuis, par deux catastrophes majeures (Kobé, 1995 et Fukushima, 2011). On suit donc, avec l’équipe, Amélie cherchant un numéro de téléphone, arrivant à Osaka, déambulant à Kyoto, se perdant à Tokyo ou retrouvant les vestiges de son ancienne vie (sa nourrice, son école, son galant). «La nostalgie n’est plus ce qu’elle était», titrait Simone Signoret pour ses mémoires : peut-elle pour autant être «heureuse» ?

Voilà le cru 2013 (aujourd’hui en format poche) d’Amélie Nothomb, une Amélie qui renoue avec ce pays qui lui a apporté le succès, via Stupeur et tremblements : le Japon. Et même si cela ne se fait pas, si chaque livre est unique et chaque émotion, sacrée, on a envie de comparer ce «retour au pays» à celui d’Alain Mabanckou et son magnifique Lumières de Pointe Noire (Le Seuil, 2013)… pour constater que tous les retours ne se valent pas. Là où Mabanckou avait fait le choix d’un texte choral, dans lequel chaque parent, chaque lieu, racontait une histoire, un moment, un épisode heureux, Amélie reste timidement concentrée sur sa personne, ses émotions, ses hésitations – en mode bouillonnant discret – et un minimalisme formaté nippon. Le résultat est donc minimaliste et plat : quelques émotions, deux rencontres, mais rien de ce plongeon dans le surréalisme qu’était Stupeur et tremblements, juste le vague journal intime d’un séjour japonais, genre rédaction de retour de vacances pour lycéenne appliquée.

Cette ''nostalgie heureuse'' (Natsukashii) qui serait l’apanage du Japon, l’auteur ne parvient pas, malgré quelques beaux morceaux, à nous la faire partager, et l’on a l’impression de visiter un pays mal connu avec des lunettes opaques. Alors certes, il y a la patte Amélie Nothomb, quelques expressions qui font mouche, une intériorité qui prend le lecteur à témoin. Mais malgré quelques facilités (Fukushima, dont même son ami Rinri se demande ce qu’elle a à y faire), rien ne prend et le Japon semble un pays bien plat, sans le charme du «plat pays».

Définitivement, un carnet de voyage ne fait pas forcément un bon livre, et le Japon n’est pas, en soi, un motif à succès.

Gilles Ferragu
( Mis en ligne le 21/01/2015 )
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