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Pocheset Littérature  

L'Ambition
de Iegor Gran
Gallimard - Folio 2015 /  7 €- 45.85  ffr. / 208 pages
ISBN : 978-2-07-046356-5
FORMAT : 11,0 cm × 17,8 cm

Première publication en août 2013 (P.O.L.)

De quelques dieux déchus…

L’Ambition (avec un grand A, celle qui fait avancer l’humanité du néolithique à nos jours), Iegor Gran (O.N.G !, L’Ecologie en bas de chez moi) s’y intéresse de manière minimaliste : il ne s’agit pas de narrer ici la vie d’un Napoléon ou d’un Steve Jobs, mais celle, plus restreinte, plus épurée, de José. L’épopée est à la hauteur du héros, timide. Car José est plutôt un anti-héros, fasciné par le créateur de Facebook, dont il aimerait bien copier le destin. De fait, sur le papier, il est armé : diplômé d’informatique et de commerce, fils aimé d’une famille unie, c’est un titan que le monde ignore. Dans les faits, José est plutôt un aimable looser qui, avec son copain Léo, échafaude les plans les plus foireux pour devenir riche sur une niche commerciale et industrielle improbable.

Manque d’Ambition ? C’est ce que lui reproche son amie (et bientôt ex-amie), Cécile, guère plus talentueuse mais toute aussi ambitieuse. Le manque d’ambition serait-il le poison de l’espèce humaine ? Bien longtemps auparavant, le chasseur-cueilleur Chmpp se heurte déjà à sa dulcinée, U, au tempérament désormais sédentaire et agricole, chacun reprochant à l’autre cette même absence d’ambition qui oblitère la survie de la tribu. Et jusqu’à l’auteur lui-même, qui se met en scène, égaré dans son roman et coincé par la page blanche. Survivront-ils à leurs velléités de succès ?

La solution, comme l’enfer, ce sont les autres : le manque d’ambition se soigne, par une bonne déception amoureuse, une arnaque à la petite semaine qui fonctionne, une intuition qui se vérifie, un petit coup de pouce du destin sous la forme d’une rencontre, un colocataire si médiocre qu’il donne envie de réussir… Chacun puise à son tour dans ce roman drôle et gentiment enlevé. Iegor Gran reste dans la veine qu’il maîtrise, celle d’un humour efficace, une observation sans trop de complaisance du quotidien, avec une bonne dose de sympathie. Le va et vient entre le destin préhistorique de Chmpp et celui de José se conclut sur un clin d’œil amusant, une version littéraire de 2001 l’Odyssée de l’espace.

Bref, un roman un peu court, hélas, mais bien troussé, sur quelques loosers, une comédie des ratés que la vie, entre petites galères et cadeau bonus, malmène avec tendresse.

Gilles Ferragu
( Mis en ligne le 03/07/2015 )
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