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Pocheset Littérature  

L’Homme de la montagne
de Joyce Maynard
10/18 - Domaine étranger 2015 /  8,10 €- 53.06  ffr. / 360 pages
ISBN : 978-2-264-06528-5
FORMAT : 11,0 cm × 17,8 cm

Première publication française en août 2014 (Éditions Philippe Rey)

Françoise Adelstain (Traducteur)


Un été dramatique

«Il y a un peu plus de trente ans, un jour de juin au coucher du soleil - sur un versant de montagne dans le Marin County, Californie -, un homme s’est approché de moi, tenant dans ses mains un bout de corde à piano avec l’intention de mettre fin à mes jours. J’avais quatorze ans et il avait déjà tué beaucoup d’autres filles». C’est ainsi que commence le récit de Rachel, écrit trente ans après cet été particulier assombri et exalté à la fois par la présence d’un serial killer dans les montagnes proches de leur bourgade, qui constituaient leur terrain de jeu favori.

Un roman solaire - en dépit du sujet -, sur le dernier été d’innocence en quelque sorte de Rachel et de sa sœur Patty, 11 ans. Filles de parents divorcés, vivant avec leur mère dépressive, tandis que leur père policier brillant est un séducteur invétéré, Rachel et Patty ont l’habitude d’une grande liberté, qui compense leur isolement social. Leur quotidien se passe dans une minuscule bourgade, étroite dans tous les sens du terme, avec les voisins attentifs et la marginalisation relative de la famille qui ne répond pas aux normes. Le silence de la mère qui s’absorbe dans son chagrin qu’elle oublie dans la lecture n’aide pas les fillettes à trouver leur place. En revanche, la montagne leur appartient et elles en font leur terrain de jeu et d’observation, lieu de toutes les aventures, réelles et imaginaires.

Or cet été là, tout se détraque… Un tueur de jeunes femmes rôde, et l’inspecteur Torricelli est chargé de l’enquête pour le plus grand plaisir de ses filles, convaincues qu’il va la résoudre en un clin d’œil ; la soudaine popularité de son père place Rachel elle aussi dans la lumière, dans ce petit milieu provincial, et lorsque l’enquête piétine, elle tente d’aider son père. Toutefois les meurtres se poursuivent, les déceptions s’accumulent, et le beau Torricelli se recroqueville, las et vieilli, isolé : l’histoire d’un déclin douloureux.

Durant ces quelques mois, Rachel a pu avoir la sensation d’être toute puissante, elle à qui sa sœur obéit au doigt et à l’œil, elle qui interdit à son père l’espoir d’une autre vie avec la discrète Margaret Ann sans pour autant obtenir ce qu’elle désire le plus : la reconstitution du couple de ses parents. Cet été-là est aussi pour Rachel celui des premières règles, la fin de la première adolescence enchantée.

Le bilan qu’elle dresse de cet été particulier est en demi-teintes : été ensoleillé des jeux avec Patty et de leur affection qui les soude de façon indéfectible, ensoleillé des rapides visites du beau Torricelli, et de plages de moments heureux, mais assourdi du sentiment du temps passé, des échecs inévitables, de la mort qui rôde tout au long du livre sous différentes formes, brutales et insidieuses.

Un roman lumineux, un thriller bien mené, mais aussi – et surtout – un beau roman d’apprentissage.

Marie-Paule Caire
( Mis en ligne le 16/10/2015 )
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