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Pocheset Littérature  

Chéri-Chéri
de Philippe Djian
Gallimard - Folio 2016 /  7,10 €- 46.51  ffr. / 212 pages
ISBN : 978-2-07-077634-4
FORMAT : 11,0 cm × 17,0 cm

Première publication en octobre 2014 (Gallimard - Blanche)

Denis(e)

Une famille en puzzle décomposé, l'hiver qui tombe en flocons légers sur des âmes lourdes, une intrigue de fait divers, un côté film noir sans les dialogues de Michel Audiard, et l'écrivain à l'oeuvre...

Denis est romancier le jour, travelo la nuit, quand il devient Denise, chanteuse aguicheuse, la mise soignée, performeuse à L'Ulysse, une boite pour hommes qui aiment se déguiser en femmes. Pas homo pour autant, Denis est marié à Hannah, bombe factice, blonde dans la forme comme le fond. Il est aussi marié à ses beaux-parents, Veronica - Hannah en fruit plus mûr et tentateur - qui lui tourne autour, et Paul, mafieux local, atrabilaire, irascible, vieux con majuscule, pour qui il se trouve contraint de bosser, pour payer le loyer. Car Denis et Hannah vivent chez Paul et Veronica. Denis, aux côtés de Robert le bourru, vient réclamer l'argent de beau-papa aux débiteurs de tous poils. Robert cogne, Denis compte. Et un roman à boucler, éditer, promouvoir. Et Ramon, éphèbe un peu blonde aussi, qui tourne aussi autour de Denis...

Denis nous parle, d'un ton blasé, qui est le ton de Djian, style blanc comme les cieux bas que notre ''écrivain national'' aime dépeindre et repeindre d'un roman à l'autre. Ces intrigues mêlées avancent de concert. Terminera son roman ? Couchera avec Veronica ? Ramon ? Robert ?! En finira avec Paul ?... Le roman se termine par un épilogue qu'on dirait digne d'un roman de gare si Djian n'était pas cet astre littéraire à protéger et bichonner. Alors on ne dira pas que le final de Chéri-chéri est digne d'un roman de gare, mais qu'il est djianien. Un point c'est tout. Chéri-chéri apparaîtrait d'ailleurs comme bien médiocre pour qui découvrirait ici Philippe Djian. Pour qui connaît l'oeuvre et la côtoie, l'opus fait sens et vient consolider par amalgame cette dernière.

On aime surtout le roman dans ses interstices. Cette tendresse qui point parfois au coeur de la grisaille, une sensibilité qui ressemble parfois à de la sensiblerie, mais que Djian, chez ses personnages, grime toujours de contours ursins, du phlegme des taiseux. On aime encore plus quand Djian témoigne à travers Denis de sa condition d'écrivain, les superstitions, les craintes, les petites méthodes, le rapport à l'éditeur et aux critiques, dans une sorte de je-m'en-foutisme concerné. Peut-être Djian devrait-il aller plus loin dans l'exploration littéraire de cet alter-ego écrivain et se débarrasser une fois pour toute de sa besace lourde de clichés éculés.

Thomas Roman
( Mis en ligne le 06/04/2016 )
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