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Pocheset Littérature  

Etranger dans le mariage
de Emir Kusturica
Le Livre de Poche 2017 /  7,10 €- 46.51  ffr. / 250 pages
ISBN : 978-2-253-09864-5
FORMAT : 11,0 cm × 17,6 cm

Première publication française en janvier 2015 (JC Lattès)

Alain Cappon (Traducteur)


Du rififi dans les Balkans

Emir Kusturica publie six nouvelles qui lui ressemblent, à la fois déjantées et d'une profonde humanité. Les textes contiennent des histoires à dormir debout et baroques. Mais au travers de ces fantaisies, pointent son univers, ses admirations, son amour pour sa terre natale, la Bosnie-Herzégovine. Elles se déroulent dans les années 70-80, pendant la jeunesse de l'auteur. «Ce que nos yeux voient est souvent séduisant ! se disait-il. Survivre, sinon serait impossible. Car l'homme ne se repaît pas de vérités cruelles et de règles immuables, mais de l'espoir que surviendront des changements auxquels il croit. Soit. A ceci près, cependant que la vie n'est pas faite d'illusions et d'espoirs...»

Il y a beaucoup d'espérance chez les personnages naïfs de Kusturica, et il en profite pour aller plus loin dans le burlesque, comme dans la deuxième nouvelle où Dragan, le jeune adolescent, navigue entre son père et sa mère qui avec son aide se dissimulent mutuellement qu'ils sont hospitalisés. Par ailleurs affleure la poésie triste de l'histoire de Kosta, lequel après avoir tant lutté perd sa fiancée qui saute sur une mine ; il devient prêtre et s'inflige des sévices pour se racheter de tous ses péchés. On ne s'étonne pas si l'âne lui répond et si le serpent le protège d'une mort certaine au combat. Il est même question des Jeux Olympiques de Sarajevo en 1984 ; Rodo descend la piste de Bobsleigh sur un sac en plastique et finit à l'hôpital, brûlé au deuxième degré !

Cet ouvrage est formé de réalisme magique cher à l'artiste slave, juxtaposant une description précise du mode de vie des personnages à des éléments surnaturels, irrationnels. La famille est souvent au coeur de l'intrigue au travers du passage à l'âge adulte, les séparations, les trahisons. Emir Kusturica nous fait aussi connaître deux auteurs qu'il admire en les insérant dans ses nouvelles : Branco Copic, poète mort en sautant d'un pont de Belgrade, et Momo Kapor, peintre et écrivain serbe décédé en 2010.

Un condensé de l'âme slave, qui se lit avec grand plaisir, même s'il déroute parfois... comme les films de Kusturica.

Eliane Mazerm
( Mis en ligne le 15/11/2017 )
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