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Pocheset Littérature  

La Lettre au capitaine Brunner
de Gabriel Matzneff
La Table Ronde - La petite vermillon 2019 /  7,30 €- 47.82  ffr. / 261 pages
ISBN : 979-10-371-0524-0
FORMAT : 11,0 cm × 18,0 cm

Première publication en janvier 2015 (La Table Ronde)

Petite musique

Depuis les années 1960, Gabriel Matzneff écrit ; romans, récits, essais, poèmes, journaux intimes, recueils d'articles. Il est présent et a nourri la littérature française de son style, dans un rayon qui le connaît : l'anar de droite, dandy libertaire et provocateur, promoteur des relations amoureuses avec de très jeunes gens, et Russe blanc attaché aux traces d'une tradition déchue.

Gabriel Matzneff livre ici un roman qu'il désigne comme le dernier d'un cycle commencé en 1966 avec L'Archimandrite. Ses héros ont vieilli et sont confrontés à un monde qui leur échappe en partie. Il semblerait que Gabriel Matzneff aussi se fatigue, lui qui semblait l'éternel adolescent prompt à lever les filles de la défunte piscine Deligny. On retrouve ce goût carnassier pour les plaisirs de la vie, ces portraits vite brossés de jeunes filles bien élevées, avides de découvrir la vie. Mais en surplomb, une forme d'amertume sans grandeur, teintée de «tout fout l'camp», le regret d'une civilisation qui échappe aux bonnes manières et au panache.

Le livre trahit d'ailleurs assez le titre. On s'attend de bonne foi à une intrigue tournant autour de souvenirs de la guerre. Il n'en n'est rien ; Nil Kolytcheff, l'écrivain, traditionnellement perçu comme le double de l'auteur, reçoit des documents permettant d'éclairer le suicide de son cousin, Cyrille, survenu plusieurs décennies auparavant. Ces papiers qui refont surface éclairent d'un jour nouveau les malheurs qui ont entouré la disparition des parents de Cyrille, dans les années 40. Tout cela reste assez marginal, l'essentiel du roman étant consacré à Nil et ses amis, parcourant en retraités chics et désinvoltes les cafés vénitiens et les terrasses de Naples. Entre deux verres de blanc bien frais, il est de bon ton de parler régime, tourisme de masse, état islamique et tradition orthodoxe. Sans que cela ne dépasse le niveau d'un café du commerce équipé de boiseries et de couverts en argent.

On retrouve ça et là ce qui a toujours fait le talent de Matzneff : son goût pour les dialogues, sa description du milieu russe orthodoxe, le jeu de la séduction et ce mélange inconvenance/respect des usages qui l'ont rendu attachant malgré les scandales. La question se pose néanmoins de savoir si le beau Gabriel a encore des histoires à raconter ou si son propos ne se résume pas à une petite musique connue, plutôt flatteuse pour l'oreille mais finalement assez peu ingénieuse.

Amélie Bruneau
( Mis en ligne le 25/11/2019 )
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