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Pocheset Littérature  

Du bonheur d’être morphinomane
de Hans Fallada
Gallimard - Folio 2016 /  8,20 €- 53.71  ffr. / 416 pages
ISBN : 978-2-07-079348-8
FORMAT : 10,8 cm × 17,8 cm

Première publication française en novembre 2015 (Denoël - Denoël & d'ailleurs)

Laurence Courtois (Traducteur)


Du malheur d’être humain

Hans Fallada (1893-1947) est un auteur allemand que l’édition française a (re)découvert voici une dizaine d’années, notamment grâce à Seul dans Berlin, roman somptueux sur la résistance allemande durant la guerre, republié en 2004. Fallada est considéré comme un romancier populaire, ce qui n’est pas tout à fait juste, même si ses écrits, et ce recueil en témoigne, sont parfois inégaux.

L’œuvre réaliste de l’auteur se confond avec sa biographie tumultueuse ; alcoolique et morphinomane, il a passé quelques mois en prison et en hôpital psychiatrique. Ses écrits reviennent sur ce parcours chaotique, de la même façon qu’ils relatent ses expériences de couple, d’ouvrier agricole, de détenu et de journaliste.

Si ce recueil (qui n’est malheureusement pas daté) commence par le portrait clinique des ravages de la drogue et de l’alcool, dépendance terrible (on lira son roman Le Buveur qui décrit la descente aux enfers d’un gérant alcoolique), il s’intéresse ensuite à l’aspect plus sociologique des mœurs des années 30-40 avec un sens du détail tragi-comique.

Des couples qui se défont face au temps qui passe, des petites gens qui survivent dans une société hostile (on pense parfois à Emmanuel Bove qui s’attache à décrire les mœurs d’ouvriers avec une vérité psychologique très intense ou encore à Francis Carco pour la descriptions des bas-fonds), des voyous qui tentent d’échapper à leur condition, des paysans qui stagnent dans une existence matérielle ; bref, Fallada décrit son époque, celles des rues, des faubourgs, des champs, des villes avec un goût pour certains détails crus et une ironie douce-amère.

L’idée, chez Fallada, est de décrire une humanité malade qui se ment à elle-même. Elle est corrompue et malfaisante, et s’enfonce de jour en jour dans un malheur inévitable tout en pensant qu’en continuant ainsi, les choses vont s’arranger. L’espoir d’un jour meilleur est le but à atteindre (il n’y a donc pas d’intention de nuire obligatoirement, mais plutôt celle de s’en sortir) ; les moyens d’y parvenir sont réellement problématiques car ses personnages, souvent inoffensifs, sont naïfs et maladroits.

Il en va de même pour ce curieux recueil de nouvelles, assez inégal par ailleurs. On retrouve le style de Fallada, assez journalistique mais très plaisant, pour une œuvre populaire mais non exempte de considérations plus profondes.

Jean-Laurent Glémin
( Mis en ligne le 30/09/2016 )
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