L'actualité du livre
Pocheset Littérature  

Ecoute le chant du vent - suivi de Flipper 1973
de Haruki Murakami
10/18 - Domaine étranger 2017 /  7,80 €- 51.09  ffr. / 307 pages
ISBN : 978-2-264-07003-6
FORMAT : 10,8 cm × 17,8 cm

Première publication française en janvier 2016 (Belfond)

Hélène Morita (Traducteur)


Premier pas

Un jour, Haruki Murakami a obéi à une vieille pulsion et commencé à écrire, sur la table de sa cuisine, le soir, la nuit. Ce fut dur, l'auteur s'astreignant à rédiger en anglais pour épurer son style, le renouveler...

Mais à un moment, et dans le chaos d'une existence déjà bien encombrée (un bar de jazz et un mariage), il parvint à achever son roman, Ecoute le chant du vent, et le publia... et obtint un grand prix. Et depuis... Ce roman n'avait pas été publié depuis 1979, il est ici réédité avec sa suite, Flipper 1973. L'occasion de découvrir le premier Murakami, le Murakami «de la cuisine». Et ce Murakami là ne ressemble guère à l'auteur de Kafka sur le rivage ou de 1Q84...

Il ne s'agit pas d'un conteur surréaliste, observant la société japonaise au prisme de quelques obsessions : le Murakami des années 70 est un chroniqueur indolent, un témoin soucieux de distanciation, et qui raconte des morceaux d'existence, entouré de quelques personnages posés là : le Rat, les jumelles parfaites, etc.

Le fantastique est présent, déjà, mais en lisière, presque accessoire. On croise un matin une femme à quatre doigts, qui devient l'objet d'une quête vague. De même, le narrateur se passionne pour un flipper original. Le style est minimaliste, phrases courtes et paragraphes brefs en forme d'aphorismes avec, par moments, quelques grands récits (3 pages...) ; l'ouvrage est scandé par de petits moments qui sont autant de morceaux de vie : il y a un rythme, une phrase, et curieusement, une nonchalance qui gagne le lecteur, comme une forme d'hypnose légère. Pas d'intrigue véritablement, mais des personnages, qui reviennent périodiquement, des obsessions discrètes qui finissent par donner à l'ouvrage sa cohérence.

Écoute le chant du vent se présente comme une chronique douce-amère sur les jours qui passent, leur vacuité et l'inanité qu'il y a à vouloir donner un sens au monde. On suit donc le narrateur dans les bars, les boutiques de disques, les aléas professionnels, les lubies, les sentences définitives sur la vie, on écoute ses confidences sentimentales et le récit de ses rencontres, on croise des chiens (et on espère les recroiser). On boit beaucoup de bières, on découvre les origines du flipper (toujours ça de pris) ou le charme de certains auteurs anglo-saxons... Bref, on tourne la tête, on contemple le passé et cette espèce d'insouciance qui rend tout surréel.

Ce Murakami là est plus singulier, moins «mainstream», empreint de cette «saudade» intraduisible et qui résume si magnifiquement ce sentiment d'une mémoire à la fois heureuse et enfuie. Une mémoire qui renaît avec cette réédition. Pour les fans de l'auteur, sensibles à l'affirmation d'un style et d'un univers.

Gilles Ferragu
( Mis en ligne le 09/01/2017 )
Droits de reproduction et de diffusion réservés © Parutions 2024
www.parutions.com

(fermer cette fenêtre)