L'actualité du livre
Pocheset Littérature  

Ecoutez nos défaites
de Laurent Gaudé
Actes Sud - Babel 2018 /  7,80 €- 51.09  ffr. / 281 pages
ISBN : 978-2-330-10943-1
FORMAT : 11,0 cm × 18,0 cm

Première publication en août 2016 (Actes Sud)

Le parfum de l'histoire

Un style que l'on aime, un ton qui a fait sa marque, des sujets qui le passionnent : on retrouve ici Laurent Gaudé. Tel quel...

Une passion pour l'histoire et ses tragédies, ses héros humains, la mort, les ruines, l'absurdité de tout cela et les logiques qui construisent un drame. L'approche est similaire aux Oliviers du Négus, ouvrage dans lequel Gaudé rassemblait en nouvelles des récits se faisant échos au mépris du temps et de l'espace : une communauté d'hommes façonnés de batailles, de victoires, de défaites. Ici, le recueil se recompose en un roman alternant les saynètes, de l'Italie d'Hannibal aux boues de Virginie, des sables de Libye, d'Afghanistan, du Liban, à ceux d'Éthiopie. A hauteur d'hommes, qu'ils soient grands ou anonymes, généraux, rois, tyrans, soldats mercenaires ou archéologue. Faiseurs, sauveurs, destructeurs de l'Histoire.

La structure éclatée du récit fait ainsi toute sa force, passées quelques pages nécessaires à l'adaptation/acceptation de cette construction au premier abord facile. Hannibal avance d'Espagne en Toscane ; le général Grant doit livrer ses dernières batailles ; le négus Sélassié perd face à l'Italie et prononce devant la Société des Nations un discours qui rappelle la raison d'être de l'organisation... et sonne comme son épitaphe. De nos jours, trois individus se cherchent sur des trames qui ressemblent aux récits antiques. Mariam, archéologue, rencontre l'agent Assem ; ils s'aiment, le temps d'une nuit. Alors que le Moyen Orient tombe aux mains des fous de Dieu - pas moins trafiquants d'oeuvres pour autant -, Mariam doit sauver l'art, limiter la casse, porter secours à des patrimoines sacrifiés. Assem, lui, doit retrouver Sullivan, autre soldat qui participa à la capture de Ben Laden et perdit là comme son âme.

La valse des temporalités signale que rien ne change, ni les Hommes, ni les régimes, ni les raisons qui poussent aux meurtres. Laurent Gaudé semble dire que tout cela est à la fois grand et petit, que cela nous définit, que cela nous dépasse. La plume du dramaturge sait composer avec ces moments de l'Histoire, tailler la grandeur dans l'horreur, la beauté dans le tragique, au fil d'une construction habile faisant se parler les époques, affinant les suspenses, construisant une leçon : une leçon juste sur la fatalité, l'absurdité et la beauté des choses humaines.

Thomas Roman
( Mis en ligne le 17/09/2018 )
Droits de reproduction et de diffusion réservés © Parutions 2024
www.parutions.com

(fermer cette fenêtre)