L'actualité du livre
Pocheset Littérature  

14 juillet
de Eric Vuillard
Actes Sud - Babel 2018 /  7,80 €- 51.09  ffr. / 199 pages
ISBN : 978-2-330-09611-3
FORMAT : 11,0 cm × 17,5 cm

Première publication en août 2016 (Actes Sud)

Par la volonté du peuple

Encore un livre sur la Révolution ! Oui, mais, contrairement à de nombreux ouvrages sur cette période agitée, ce n'est ni le Roi ni la Reine ni les nobles qui émeuvent Eric Chevillard ; il s'intéresse aux «sans dents», aux petites gens qui survivent autant que possible et vont avoir le courage, par la force de leur solidarité, de tout renverser. Ils n'ont rien à perdre car leur vie n'a aucune valeur.

Dès la première partie, l'auteur abat ses cartes, résume le contexte social et politique qui mène à la Révolution, et se tient à distance de l'iconographie républicaine qui à force de transformer les grands moments en images d'Epinal les a vidés de leur potentiel subversif. «On y trouve des gens de toute la France, de l'étranger même, des émigrés parlant leur patois, mêlant leurs vies et accédant à l'expérience du très grand nombre, l'anonymat. Oui désormais, nous sommes anonymes, dégarnis de la famille ancienne, purgés des rapports féodaux».

Au centre du roman s'élève une litanie de noms, comme un monument aux morts bien vivants, sans oublier ceux qui resteront à jamais anonymes. La bascule de l'histoire commence le 28 avril 1789 avec la destruction de «la folie Triton», propriété d'un riche industriel dont la prospérité et le luxe sont devenus insoutenables pour le peuple affamé. La folie meurtrière contre les abus s'empare de ceux qu'on appelait avec mépris le Tiers Etat.

On ne sait que peu de choses sur ce qui s'est vraiment passé le 14 juillet et l'imagination a la part belle. C'est l'histoire d'une nation tout entière contre une poignée de privilégiés, alors que le royaume est au bord de la banqueroute. Un vrai déluge d'êtres humains s'est déversé sur la Bastille avec comme objectif la poudre qu'elle renferme. Une fois cet or noir pris, rien ne peut les arrêter. La Révolution est en marche, poussée par la soif de liberté comme le suggère la couverture, détail de «La Liberté guidant le peuple» de Delacroix.

Le rythme haletant de cette journée se retrouve dans la composition du roman : le récit survole les dix-huit chapitres, relativement courts, à grande vitesse. Les mots se bousculent les uns les autres et rendent compte d'une foule bigarrée, haute en couleurs. «Et puis on saccage tout. La destruction de la Bastille commence aussitôt. On roule les pierres dans le vide (...). En quelques heures, ça ne ressemble plus à rien. Tout est détruit, pillé».

La forme du récit placé au niveau du peuple est en soi un commentaire sur les événements, dans une langue populaire, en harmonie avec l'action. Ce court roman nous donne un nouvel éclairage de 1789 et ses symboles.

Eliane Mazerm
( Mis en ligne le 23/11/2018 )
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