L'actualité du livre
Pocheset Littérature  

Berta Isla
de Javier Marías
Gallimard - Folio 2021 /  9,70 €- 63.54  ffr. / 611 pages
FORMAT : 11,0 cm × 18,0 cm

Première publication en août 2019 (Gallimard - Du Monde Entier)

Marie-Odile Fortier-Masek (Traduction)


''Je suis Tomás et il est loin d'être trop tôt''

Le long récit d'une attente. Javier Marías, en six-cents pages, déroule sur un peu plus de trente ans la relation folle entre Berta Isla et Tomás Nevinson.

Ils sont tous deux espagnols, madrilènes. Mais Tomás est aussi anglais par son père, et se lance dans des études à Oxford. Berta s'habitue ainsi tôt à ce qui va fonder sa relation à Tomás : l'absence, l'attente, jusqu'à un degré hors norme. En Angleterre, Tomás se retrouve en effet impliqué dans une histoire qui changera à jamais sa vie, et celle de sa compagne. On n'en dit pas plus, pour ne pas déflorer cette intrigue et encourager le lecteur à se plonger dans cette épopée à deux, dans ce tango malade.

L'héroïne éponyme est narratrice de huit des dix chapitres du roman, les deux autres, en focalisation externe, servant à poser le nœud de l'intrigue, à Oxford dans les années 50, et son lointain dénouement. Berta, pour le reste, dit l'attente, les doutes, la peur, la colère.

Il faut encourager le lecteur... car il faut un certain courage pour suivre Berta Isla et l'intrigue en général. Le style de Javier Marías est ainsi : dense, construit, classique, d'une lenteur méthodique. La prouesse est là : par la profusion de mots que l'on sait malgré tout choisis, l'auteur parvient à dire, et l'incroyable traversée humaine de cette femme seule à Madrid... et l'impossibilité que l'on sache pourquoi, que l'on sache ce que Tomás a pu faire, où il a été. On pense à Pénélope, à Ulysse, au colonel Chabert de Balzac, et à Martin Guerre (cités dans le texte) par moments. Le suspense est là : dans l'attente et le secret qui entourent la vie de Tomás Nevinson.

Une œuvre on ne peut plus romanesque, par sa construction, son écriture, ses personnages, et son intrigue. Où passent aussi la Grande histoire, le franquisme puis ses derniers feux, l'Ulster et les Malouines, la fin de la Guerre froide. Et qui, au final, dit brillamment le pouvoir de la solitude et celui bien plus grand de la fidélité.

Thomas Roman
( Mis en ligne le 21/04/2021 )
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