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Pocheset Littérature  

Le Dernier hiver du Cid
de Jérôme Garcin
Gallimard - Folio 2021 /  7,50 €- 49.13  ffr. / 197 pages
FORMAT : 11,0 cm × 18,0 cm

Première publication en octobre 2019 (Gallimard - Blanche)

L’Archange de la mort

Le récit s’ouvre sous le gai soleil de Ramatuelle et se termine dans le cimetière du village sous une tombe simple recouverte de lierre. L’acteur, surnommé le Cid tant il personnifiait le personnage, s’éteint le 25 novembre 1959 à 36 ans, emporté par un cancer du foie foudroyant. Jérôme Garcin ressuscite ici son beau-père ; il a en effet épousé Anne-Marie Philippe à qui il dédie le livre. Dans les années soixante-dix, les jeunes s’intéressaient au théâtre classique et quelle fille n’a pas eu dans sa chambre le poster de Gérard Philippe dans le costume du Cid, si beau et séraphique, une véritable icône !

Gérard est un père hyperactif qui passe l’été en famille avec Anne-Marie et Olivier, ses deux jeunes enfants, à la Rouillère, vieille ferme offerte par ses parents à Anne, l’épouse attentionnée et discrète, occupée, elle, entre le jardinage et la plage. Anne pressent que le teint jaunâtre et la fatigue matinale de Gérard sont anormaux, sa résistance s’affaiblit. Au retour des vacances, la famille fait une halte dans la résidence secondaire de Cergy, maison aux allures de château, entourée d’un parc. Gérard trouve la force d’aller applaudir Lawrence Olivier à Stratford, siège de la Royal Shakespeare Company, ce qui lui donne l’envie d’incarner Hamlet.

Ils regagnent l’appartement de la rue de Tournon à Paris pour la rentrée. Le comédien est hospitalisé à la clinique Violet, mais la mort rode et le chirurgien, grand admirateur de Gérard Philippe, ne peut effectuer l'intervention et doit refermer la plaie en l’état. Le mal est trop avancé, ce qui laisse au patient entre quinze jours et six mois à vivre. Ce sera quinze jours. L’étoile s’éteint le 25 novembre 1959 dans la nuit, à son domicile sans jamais avoir connu la gravité de sa maladie, Anne lui ayant caché la vérité. Elle se remémore leur promesse par une nuit de neige : «Nous essaierons d’être élégants si un jour nous sommes malheureux».

Sa famille accompagne le cercueil jusqu’à Ramatuelle pour des funérailles sobres. Les journaux publient de nombreux articles qui révèlent le courage de l'homme pendant la guerre, le syndicat des acteurs français qu’il a créé. L’auteur met en avant le métier noble de comédien qui permet «de traverser au galop les siècles et les pays, de porter un jour la cuirasse, un autre la soutane, de défier les puissants, de se donner de nouvelles mères, d’être polygames, de se cacher sous de multiples masques».

En filigrane, le récit offre un aperçu de l’époque avec le train de nuit, le radioréveil Bayard, le nouveau transistor portatif Optalix et les soubresauts politiques autour de De Gaulle. Le malade et son accompagnante nous donnent une leçon de courage et de vie dans leur solitude face à cette épreuve. Jérôme Garcin livre un double portrait dans un style digne d'un étoile si lumineuse, du père et de l’époux ainsi que de l’acteur, ange à la beauté aérienne qui a fait vibrer des générations d’admirateurs.

La tombe blanche entourée de lierre réunit aujourd'hui les deux époux et éclaire le cimetière de Ramatuelle.

Eliane Mazerm
( Mis en ligne le 03/05/2021 )
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