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Pocheset Littérature  

Accident nocturne
de Patrick Modiano
Gallimard - Folio 2005 /  4.70 €- 30.79  ffr. / 178 pages
ISBN : 2-07-030638-0
FORMAT : 11X18 cm

… c’est une blonde

Un soir, place des Pyramides à Paris, un jeune homme se fait renverser par une fiat «vert bouteille». Une blonde, croit-il, est au volant. Commence alors pour lui une enquête, une quête même, celle d’un moi éparpillé dans la capitale et que ce but opportun (retrouver la blonde et la voiture) servira à rassembler.

On dit que devant l’imminence de la mort, la vie défile devant soi. C’est un peu ce qui arrive au narrateur, sauf que la mort n’est pas là, juste quelques ecchymoses. Mais cet événement, brusque interruption d’une vie fade et à vitesse moyenne, sert de catalyseur, d’accélérateur à cette existence vidée. Le roman raconte cette enquête, sous la forme policière, quasiment. Dans un Paris nocturne, automnal et embrumé, le jeune accidenté recherche sa muse ; les coïncidences dont la Ville, paraît-il, favorise les occurrences, l’aident dans cette recherche opiniâtre : de la porte d’Orléans au pont des Arts, entre la place du Trocadéro et l’hôpital Mirabeau, le jeune homme construit son puzzle.

Paris, comme un univers à part, est ainsi un personnage dans le récit. L’auteur en fait la scène idoine à cette quête étrange, la provoquant presque. Il ressort de ce théâtre une impression tout ambivalente : hostile et maternelle à la fois, la ville, dont on ne sort pas, exerce une sorte de fascination. Mieux vaut, pour apprécier les impressions que l’auteur nous en livre, en connaître d’ailleurs le squelette : les hauts lieux, les rues fameuses, sa physionomie générale.

Accident nocturne est en fait une errance dans une ville incomparable. Le narrateur croise un gourou ésotéro-gauchiste comme il en fleurissait tant quelques années en arrière dans les cafés parisiens (on en croise encore !), un «brun massif» pathibulaire tout droit sorti d’un film de Clouzot, et cette blonde mystérieuse vers qui conduit le récit. Tout ce que l’on sait, c’est que cet incident juvénile transforma la vie du narrateur : rappel à une vie oubliée trop tôt ? Rencontre d’une âme sœur ?

Et puis, il y a la plume de Modiano, qui porte si bien le récit. Légère, maîtrisée, avec un souci du temps qui passe, l’évocation nostalgique d’une jeunesse presque perdue de vue, le souvenir d’un passé sacrifié au présent, processus par lequel les bonnes adresses deviennent des banques, les rues changent de nom et les souvenirs divaguent. Au total, écrit l’auteur, «il n’y a plus que les perroquets qui restent fidèles au passé.» (p.109). Est-ce un bien ? On peut aussi préférer à la mécanique du psittacisme la belle magie d’une mémoire romancée…

Bruno Portesi
( Mis en ligne le 21/04/2005 )
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