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Pocheset Littérature  

Le Prophète du temps
de Arthur Upfield
10/18 - Grands détectives 2004 /  6.90 €- 45.2  ffr. / 270 pages
ISBN : 2-264-02900-5
FORMAT : 11x18 cm

Flic du bush

Les amateurs de romans policiers ethnologiques connaissent bien Arthur Upfield, dont on dit qu’il est le fondateur du genre. Cet Anglais, né en 1888 dans une famille bourgeoise, avait été envoyé en Australie par des parents excédés par son indiscipline et ses médiocres résultats scolaires. Le résultat fut la découverte d’un pays neuf qu’Arthur Upfield dut abandonner pour combattre pendant la Première Guerre mondiale. Celle-ci terminée, il retourne en Australie et y demeure dix ans, nouant amitié, en 1927, avec un traqueur de la police du Queensland. Arthur Upfield mourra en 1964 dans ce Queensland où il s’était établi. Il laisse une œuvre originale : une trentaine de romans policiers, qui tous se passent en Australie, dans le bush.

C’est à Jean-Claude Zylberstein, et à sa collection les grands détectives, 10/18, que les lecteurs français doivent la découverte d’Arthur Upfield dont le Prophète du temps est le 27e roman à paraître dans cette collection.
Plus sans doute que la qualité de l’intrigue policière, le plaisir vient de la découverte d’un univers et d’une société, dont le lecteur fidèle retrouve des personnages tout au long de l’œuvre. Chaque intrigue est élucidée par le héros inventé par Upfield : Napoléon Bonaparte, surnommé Bony ; métis aborigène, aux yeux bleus perçants ; trouvé nourrisson dans les bras de sa mère battue à mort par la police pour avoir transgressé une loi. L’enfant est élevé par l’intendante de la mission, qui l’affuble de son patronyme pour l’avoir trouvé en train de grignoter les pages d’une vie de Napoléon Bonaparte. Poussé par sa mère adoptive il entre dans la police et y fait une belle carrière grâce à son intelligence aiguë et malgré (ou grâce à) des méthodes peu orthodoxes. Il doit en général surmonter le mépris porté à l’aborigène et plus encore au métis, et s’impose par ses seules qualités. Il y un côté héros du Far West chez Bony, tout comme il y a dans le Prophète du temps des pages et des descriptions qui rappellent toute une littérature dont Fantasia chez les ploucs (Charles Williams, 1956) est un des joyaux….

Les romans d’Upfield mettent en scène une société, souvent aux confins de l’Australie, sorte de Far West où l’homme est rare et où cohabitent marginaux de toute espèce, originaux, repris de justice… Peu de femmes dans cet univers essentiellement masculin, ou quelques robustes épouses ou mères de famille qui tiennent la ferme. Ce qui intéresse Upfield – et donc Bony - ce sont ces personnages du bout du monde qui ont survécu dans une nature hostile et une société qui ne l’est pas moins. Il y a presque d’ailleurs confusion entre les hommes et la nature. Pour savoir survivre il faut d’abord connaître les lois de la nature, savoir se cacher, se nourrir, connaître les saisons, la faune, la flore. Dans cet univers à la fois fort et menacé, les préoccupations écologiques avant la lettre sont toujours présentes. Le plus beau sans doute des romans d’Upfield, et le plus élaboré, est La mort d’un lac.

Dans le Prophète du temps (texte inédit), Bony répond à l’appel d’un vieillard, Luton, qui veut éclaircir les raisons de la mort de Ben Wickham, ami de toute une vie de travail puis de retraite et efficace compagnon de beuverie. La certitude que son ami a été victime d’un meurtre repose sur une typologie des hallucinations selon les boissons ingurgitées… typologie qu’une longue expérience a imposée à son auteur ! L’affaire se corse du fait que Ben Wickham est non seulement riche mais aussi météorologiste amateur, connu pour la sûreté de ses prédictions. Prédictions qui intéressent beaucoup de monde, trop de monde : de son assistant à sa famille qui espère en tirer à parti, à quelques espions sur fond de guerre froide…En fait, Upfield, ici, ne semble pas très convaincu par son histoire, surtout prétexte à quelques descriptions de personnages hauts en couleur : M. Luton ou Harry le Débineur. Mais à aucun moment le récit n’emporte le lecteur, les deux mondes qui s’observent : celui des marginaux et celui des notables ne sont que médiocrement convaincants, pas plus que ne l’est la description de l’enquête et de la société policière, partagée entre défenseurs et adversaires de l’inspecteur. Au lecteur de voir : s’il cherche à découvrir Upfiel ce n’est sans doute pas par le Prophète du temps qu’il faut commencer ; s’il en est inconditionnel… alors pas d’hésitation…

Marie-Paule Caire
( Mis en ligne le 21/05/2004 )
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